Il y a exactement un an, le 18 juin 2023, la Cour d’Alger alourdissait la peine du journaliste engagé Ihsane El Kadi de deux ans, le condamnant à sept ans de prison dont cinq ferme et deux avec sursis.
Cette décision avait été vécue comme une onde de choc en Algérie et à l’étranger. Ce verdict avait été accompagné du prononcement de la dissolution de la société Interface Media, éditrice des médias que gère Ihsane El Kadi, d’une amende de 10 millions de dinars, d’un dédommagement d’un million de dinars versé à l’Arav (Autorité de régulation de l’audiovisuel) et de la confiscation des biens saisis, pour avoir prétendument reçu des financements de l’étranger.
Le journaliste incarcéré avait écopé en première instance en première instance de cinq ans de prison, dont trois ans ferme, assorti d’une amende de 700 000 dinars algérien.
Cette peine, injuste et choquante, qui est l’une des plus lourdes jamais prononcées contre un journaliste algérien, a choqué l’opinion publique nationale et internationale. « Un verdict totalement incompréhensible », avait écrit sur Twitter le représentant de l’ONG Reporters sans frontières (RSF), Khaled Drareni.
Placé sous mandat de dépôt depuis le 29 décembre 2022, après une garde à vue de 5 jours, dans les locaux des services de la Sécurité intérieure, à Alger, Ihsane El Kadi est condamné sur la base de deux articles du code pénal (95 et 95 bis), qui condamnent «la réception de fonds de l’étranger à des fins de propagande ou pour accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’Etat et au fonctionnement normale des institutions» , à une peine allant de 5 ans à 7 ans de prison fermes assorties de fortes amendes.
Selon l’arrêt de renvoi, les fonds en question sont d’un montant de « 25 000 livres sterling que le journaliste a reçu, par tranches, de sa fille Tin Hinane, établie à Londres et actionnaire d’Interface Médias », avait précisé Me Assoul, soulignant que cet argent devait servir à régler des arriérés de dettes du groupe. « Il n’y a aucun document dans le dossier judiciaire attestant que Ihsane el-Kadi ou Interface Médias a reçu des fonds d’organismes étrangers ou d’une personne étrangère », avait-elle ajouté.
Pourtant, le procès s’était plutôt bien passé. Ses dix avocats avaient plaidé avec brio, début juin 2023. Ils avaient rejeté le dossier vide contre le journaliste accusé « d’avoir reçu des sommes d’argent et des privilèges de la part de personnes et d’organisations dans le pays et à l’étranger afin de se livrer à des activités susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’État et sa stabilité ». Le procureur a lui-même reconnu des violations dans les procédures. En vain.
Le destin du journaliste est entre les mains de son principal accusateur, le Président Abdelmadjid Tebboune. Le 24 février 2023, à la télévision nationale, alors que l’instruction était toujours en cours, le président algérien avait pointé du doigt le journaliste de 65 ans avant même qu’il ne soit jugé, en le considérant comme khabardji, c’est-à-dire un « indic » à la solde de puissances étrangères.
Il reste à voir si le président optera pour la clémence en prévision des élections présidentielles du 7 septembre. Une telle indulgence ne serait pas seulement un geste d’apaisement, elle contribuerait également à restaurer l’image internationale de l’Algérie, ternie ces dernières années. Ce serait un acte symbolique fort en faveur d’un citoyens dont le patriotisme est indéniable. Cela pourrait aussi marquer le début d’une réconciliation entre l’Algérie et ses enfants qui l’ont servie avec honneur.