2023, le crépuscule des libertés en Algérie - Radio M

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2023, le crépuscule des libertés en Algérie

Radio M | 31/12/23 19:12

2023, le crépuscule des libertés en Algérie

Cette année restera dans les annales comme un tournant funeste pour les droits fondamentaux en Algérie. Au soir du 31 décembre, le pays tire le bilan amer de douze mois marqués du sceau de la répression généralisée à l’encontre de toute voix critique. 

Le point d’orgue de cette spirale liberticide est sans conteste le 24 décembre, date fatidique qui scelle le sort de médias emblématiques. Ce jour-là, la justice algérienne acte la dissolution définitive de Radio M et Maghreb Emergent, deux sites d’information indépendants, ainsi que l’arrestation de leur directeur Ihsane El Kadi, condamné à 7 ans de détention dont 5 ferme. 

Ces sanctions dramatiques sont l’aboutissement d’une année placée sous le signe du durcissement autoritaire, à commencer par une modification législative au cœur de l’été 2021. Sous l’impulsion du président Tebboune, l’article 87bis du Code pénal est distort pour frapper plus fort. Toute « activité susceptible de porter atteinte à la sécurité de l’État » est passible jusqu’à 20 ans d’emprisonnement, y compris lorsqu’il s’agit de « changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels ». Une formulation délibérément évasive, permettant de considérer comme de « terrorisme » toute action politique non validée par le régime, ouvrant la porte à une répression accrue des voix dissidentes. Fort de ce nouvel outil, le pouvoir accélère le démantèlement de ses opposants. Ainsi, parmi des dizaines de militants, l’écologiste Mohad Gasmi accumulera les procès abusifs et les lourdes peines de prison. En juin, ce dernier a été condamné à 3 ans ferme, s’ajoutant à ses 32 mois déjà passés derrière les barreaux..L’on citera également l’activiste Brahim Laalami,condamné à 5 ans de prison ferme… sur la base dedéclarations obtenues du principal témoin sous la contrainte physique lors de l’enquête préliminaire. Des faits soulignant ainsi de graves de graves manquements aux droits de la défense et à la présomption d’innocence, piliers d’un procès équitable.

Le Hirak, fer de lance de la contestation populaire de 2019, est également décimé : dissolution du RAJ, interdiction des universités d’été du RCD et de l’UCP, deux partis historiques. Même la doyenne LADDH, première organisation algérienne de défense des droits humains, est contrainte de mettre la clef sous la porte. 

Mais la palme de l’arbitraire revient à ces militants interdits de quitter le territoire national. En violation flagrante des traités internationaux signés par l’Algérie, cette mesure abusive confine des citoyens dans les frontières nationales depuis parfois plus de deux ans. Un exil intérieur indigne pour ces voix discordantes qui osent encore s’élever. 

Face à ce sombre tableau, la rapporteuse onusienne Mary Lawlor ne mâche pas ses mots, dénonçant l’ « atmosphère de peur », de «harcèlement constant» et d’ «acharnement judiciaire» contre les défenseurs des droits humains. Alors qu’approche 2024, nul espoir d’accalmie n’est permis. Tout au plus peut-on appeler de ses vœux un sursaut d’orgueil des autorités algériennes face aux critiques de l’ONU…