Ankara veut fédérer les voisins de la Libye contre Haftar et s’apprête à envoyer des troupes - Radio M

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Ankara veut fédérer les voisins de la Libye contre Haftar et s’apprête à envoyer des troupes

Radio M | 26/12/19 15:12

Ankara veut fédérer les voisins de la Libye contre Haftar et s’apprête à envoyer des troupes

Visite surprise à Tunis, mercredi 25 décembre, du président turc. La situation en Libye était au centre des entretiens de Recep Tayyip Erdogan avec son homologue tunisien Kaïs Saïed. La visite a pris une allure sécuritaire puisque le chef d’Etat turc était accompagné, selon la chaine publique TRT, de son ministre de la Défense Hulusi Akra, du chef de Renseignements Hakan Fidan et du ministre des Affaires étrangères Mevlut Cavusoglu.

« Nous avons discuté des moyens de coopérer pour parvenir à un cessez-le-feu en Libye dans le cadre de la relance du processus politique », a déclaré Erdogan. Ankara a signé, le 27 novembre 2019, un accord de coopération sécuritaire avec le Gouvernement d’union nationale (GNA) de Faiz Al Sarraj, qui est établi à Tripoli et reconnu par la communauté internationale.

Intervenant ce jeudi 26 décembre lors d’une réunion de son parti, AKP, Recep Tayyip Erdogan a clarifié la position de son pays par rapport à la Libye et a qualifié le général Khalifa Haftar de « putschiste » et de « baron de guerre », qui est « soutenu par des pays européens et arabes ». Haftar, autoproclamé chef de l’Armée nationale libyenne, établi à Benghazi, dans l’Est de la Libye, est soutenu par les Emirats arabes unis, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, la France, la Russie et les Etats Unis. Haftar a lancé « une offensive militaire » contre Tripoli le 12 décembre 2019.

Deux semaines sont passées sans que cette « bataille finale » ne donne de résultats. Ses troupes tentent d’occuper la capitale libyenne depuis avril 2019. A plusieurs reprises, Haftar a évoqué « l’heure zéro » pour parler des attaques répétées contre Tripoli. « Le président actuel (Faïz Al Sarraj) est un président dont les proches sont ici.

Nous nous sommes opposés aux attaques lancées par le général putschiste. Nous avons donné tout soutien à l’administration de Tripoli et nous allons continuer de le faire (…) On nous demande si nous allons envoyer des soldats. Nous irons là où nous serons invités. Mais nous n’irons pas si nous ne sommes pas invités. Si aujourd’hui, il y a une invitation, alors, nous nous y rendrons », a-t-il déclaré.

Erdogan explique les raisons de l’accord maritime avec Tripoli

Selon l’agence Anadolu, Erdogan a annoncé que le Parlement votera le 8 ou le 9 janvier 2020 une motion sur l’envoi des troupes turques en Libye « pour répondre à une demande du gouvernement Al Sarraj ». En début de cette semaine, le Parlement turc a adopté un accord de coopération militaire et sécuritaire, signé fin novembre, qui autorise l’envoi des troupes pour des missions opérationnelles ou de formation.

Lors de la visite de Faiz Al Sarraj en Turquie, un autre accord a été signé sur la délimitation maritime. « La Libye est un voisin maritime du fait du croisement de nos zones de juridiction maritime. Notre carte sur les zones de juridictions maritimes est inscrite auprès de l’ONU. Notre objectif n’est pas d’usurper les droits de quiconque en Méditerranée.

C’est de prévenir l’usurpation de nos droits. Car si nous n’avions pas lancé cette démarche, un plan était préparé pour emprisonner la Turquie dans ses côtes en Méditerranée. Nous ne pouvions pas être indifférents », a déclaré le président turc face aux militants d’AKP. L’accord maritime entre Ankara et Tripoli a suscité une réaction rapide de la Grèce qui a chassé l’ambassadeur libyen, de Chypre, d’Israël et de l’Egypte. La Méditerranée Orientale est riche en gaz naturel.

Quel crédit pour la Conférence de Berlin ?

« L’impact des développements négatifs en Libye ne se limite pas à ce pays, mais touche les pays voisins en tête desquels la Tunisie », a soutenu le président turc à Tunis. Ankara entend fédérer les pays voisins de la Libye contre Haftar. Selon Erdogan, l’homme fort de Benghazi s’appuie sur 2000 hommes du groupe militaire privé russe Wagner qui emploie souvent des mercenaires dans des zones de conflit, comme ce fut le cas en Syrie, au Soudan et au Venezuela. Haftar aurait également sollicité au moins 5000 mercenaires soudanais dans sa « guerre » contre le gouvernement de Tripoli.

Ankara exige la présence de l’Algérie, de la Tunisie, mais également du Qatar lors de la prochaine Conférence de Berlin consacrée à la crise libyenne. Ghassen Salamé, envoyé spécial des Nations Unies en Libye, n’a fourni aucune explication convaincante à la mise à l’écart de la Tunisie et de l’Algérie, deux voisins de la Libye, de cette Conférence, jetant un grand discrédit sur cette réunion marquée, curieusement, par l’absence des…libyens. Le Conseil de sécurité a tenu une quinzaine de réunions sur la Libye en moins d’une année sans prendre une décision sur la situation dans ce pays où « une guerre internationale » semble se préparer.