Ahmed Laraba : "le comité d’experts ne jouera pas le rôle de Constituante" - Radio M

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Ahmed Laraba : « le comité d’experts ne jouera pas le rôle de Constituante »

Ghada Hamrouche | 13/01/20 16:01

Ahmed Laraba : « le comité d’experts ne jouera pas le rôle de Constituante »

Le président du Comité des experts chargé de préparer le projet de révision de la Constitution, Ahmed Laraba, a annoncé que le comité va entamer ses travaux à partir de ce mardi 14 janvier 2020. Composé de professeurs de droit constitutionnel, le comité, installé par le président Abdelmadjid Tebboune, doit formuler ses propositions dans un délai de deux mois sur «une révision profonde de la Constitution ». « Le comité d’experts ne jouera pas le rôle de Constituante. Il suffirait de lire la lettre de mission pour se rendre compte qu’il s’agisse d’un comité d’experts chargé, non pas d’adopter, mais de faire des propositions. Il a doit suivre sept axes tracés par le président de la République qui a autorisé le comité à aller plus loin. Nous pouvons donc envisager d’autres questions non retenues dans la lettre de mission », a déclaréAhmed Laraba, lors d’une interview à la chaîne III de la Radio nationale, ce lundi 13 janvier.

« Le fait de réduire les prérogatives présidentielles ne signifie pas qu’on va vers un régime parlementaire »

Selon lui, une Constitution ne se limite pas à la question de l’équilibre des pouvoirs ou à celle de l’organisation des pouvoirs publics. « Aujourd’hui, la Constitution a d’autres dimensions. Ce mouvement a commencé au milieu des années 1970 avec les constitutions espagnole, portugaise et grecque. Ce mouvement s’est poursuivi avec les constitutions des pays de l’Europe de l’Est, puis de l’Afrique », a-t-il dit. Revenant à la lettre de mission, il a relevé que le chef de l’Etat suggère au comité d’étudier la question de l’Exécutif pour choisir entre « un Premier ministre » ou « un chef de gouvernement ».  « La Tunisie a adopté le régime parlementaire suite à une Constituante dont les travaux ont duré près de trois ans. La Constitution a été adoptée au prix de compromis difficiles et laborieux en 2014. Aujourd’hui, il y a une crise en Tunisie entre le chef de l’Etat, le chef du gouvernement et le Parlement. Il y a aussi une crise en Espagne avec quatre gouvernements constitués en quatre ans(…) Pour élaborer une Constitution, il faut tenir compte du réel et des revendications populaires qui se sont exprimées. Le fait de réduire les prérogatives présidentielles ne signifie pas qu’on va vers un régime parlementaire. Peut-être, on va vers un régime semi présidentiel, on verra avec les membres du comité », a soutenu Ahmed Laraba. L’évolution des sociétés et du droit impose, selon lui, les révisions des constitutions devenues plus fréquentes à travers le monde. « Les Constitutions doivent enregistrer les accents changeants de la société. L’évolution du droit combine rupture et continuité. On ne peut pas partir d’une page blanche. Ce qu’il faut est maintenir un certain nombre de règles, mais on peut passer à un nouveau paradigme », a-t-il soulignéIl a rappelé que toutes les révisions constitutionnelles ont été faites dans l’esprit de la Constitution de Houari Boumediène de 1976 qui donnait de larges pouvoirs au chef de l’Etat au détriment du Parlement.

« Le juge est considéré comme le gardien du respect des droits de l’homme et des libertés publiques »

 Il a plaidé pour l’élaboration d’un bilan des « insuffisances et des déviations » des sept constitutions algériennes, adoptées depuis 1962, en introduisant des garde-fous et en renforçant le contrôle du Parlement sur l’Exécutif. « Il faut renforcer le rôle du juge. A travers le monde, le juge est considéré comme le gardien du respect des droits de l’homme et des libertés publiques. L’Algérie ne peut pas échapper à ce mouvement de juridisation de la Constitution(…) La gouvernance doit être un pont important pour consolider et conforter les droits et les libertés publiques », a-t-il dit. Il a estimé que durant les vingt dernières années, la Constitution, dans les faits et dans le droit, a évolué vers une présidence hypertrophiée. « Le président regroupait pratiquement tous les pouvoirs sauf celui du juge », a-t-il noté citant la révision de 2008 (qui a consacré l’ouverture des mandats présidentiels). Ahmed Laraba a évoqué la nécessité de trouver des techniques juridiques pour « figer » la question de la limitation des mandats présidentiels. « Il est certain que le droit relatif à l’immunité (parlementaire) ne peut plus continuer à exister de la sorte. L’immunité doit être envisagée de la façon la plus restrictive possible parce qu’il y a eu des abus », a-t-il constaté. Il a plaidé pour une véritable indépendance du Conseil supérieur de magistrature et du Conseil constitutionnel. « La question de la création de la Haute cour, qui est restée lettre morte, se pose également. Faut-il la garder ou la supprimer ? Les constantes de la Constitution, qui font partie du titre premier, ne font pas l’objet de la mission du comité d’experts. Le comité pour envisager une discussion sur ces questions en vue d’introduire des améliorations. On peut par exemple introduire la question de la lutte contre la corruption », a-t-il suggéré.