Au Sahel, la France renforce sa présence militaire, la population réclame le départ des soldats étrangers - Radio M

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Au Sahel, la France renforce sa présence militaire, la population réclame le départ des soldats étrangers

Radio M | 15/01/20 17:01

Au Sahel, la France renforce sa présence militaire, la population réclame le départ des soldats étrangers

Lundi 13 janvier, le président français Emmanuel Macron a réuni, à Pau, au Sud de la France, des chefs de cinq Etats africains à la faveur du sommet du G5 Sahel. Les présidents du Mali, du Niger, du Burkina Fasso, du Tchad et de Mauritanie étaient présents pour discuter de « la lutte antiterroriste » dans la région sahélo-saharienne, après « la dégradation de la situation sur le terrain », marquée par des attaques de groupes armés contre des militaires et des civils, depuis novembre 2019, au Burkina Faso et au Niger.

La rencontre de Pau, selon le chef d’Etat français, a clarifié le cadre politique du G5 Sahel et a redéfinis ses objectifs. Le président burkinabé Roch Marc Christian Kaboré, président en exercice du G5 Sahel, a estimé que les résultats de la « coordination » sécuritaire entre les cinq pays et la France sont « en deçà des attentes des populations ».

Il a plaidé pour la révision du dispositif mis en place, le partage du renseignement et « la concentration » des opérations militaires contre l’EIGS (Etat islamique au Grand Sahara) dans la zone « des trois frontières » (Mali, Niger et Burkina Faso). L’EIGS, selon Emmanuel Macron, est l’ennemi prioritaire. Kaboré a parlé également de « coalition internationale » qui regroupe, outre la France et les pays du G5 Sahel, l’Union africaine, l’Europe et «tout autre partenaire ». « Il nous faut des résultats probants rapidement au moins sur le terrain militaire », a-t-il demandé.

« Pourquoi la France est au Sahel ? »

« La question est souvent posée : pourquoi la France est au Sahel ? Pour une raison simple:  c’est la lutte contre le terrorisme. Au Sahel, nous sommes en guerre contre les groupes armés terroristes qui frappent des populations amies, sévissent dans la région. Nous sommes là pour permettre aux Etats sahéliens d’assumer leur pleine souveraineté sur leurs territoires. Les groupes terroristes armés sont une menace avérée à la souveraineté de chaque Etat », a répondu le président français.

Selon lui, les chefs d’Etat sahéliens ont demandé la poursuite de « l’engagement militaire » de la France à travers l’opération « Barkhane »

La force Barkhane, qui regroupe 4500 hommes, va, d’après lui, travailler conjointement avec la coalition militaire du G5 Sahel. Macron, qui a décidé l’envoi d’un renfort supplémentaire de 220 militaires, a lancé un appel aux « partenaires africains, européens et internationaux ».

Il a parlé de « Grande coalition internationale pour le Sahel ». Les dirigeants du G5 Sahel ont souhaité que les Etats Unis contribuent à « la lutte contre le terrorisme » en maintenant ses troupes en terres africaines ou apportant un soutien logistique. Sur le plan financier, l’Arabie Saoudite n’a pas versé la somme de 5 millions de dollars qu’elle a promis au G5 Sahel alors que les Emirats arabes unis n’ont assuré que 10 millions de dollars sur les 30 millions prévus. Idem pour l’Union européenne qui a promis de contribuer avec 420 millions d’euros. En grande partie, l’argent n’a pas été versé, l’UE ayant préféré la livraison de matériel. Cela complique la tâche du G5 Sahel.

« Au Mali, la population n’est pas convaincue »

La population n’est, selon un journaliste malien présent lors de la conférence de presse après le sommet du G5 Sahel, pas convaincue que la force « Barkhane » mène véritablement une lutte contre les groupes terroristes.

« L’armée française est présente au Mali à la demande de l’Etat malien (depuis 2013). Qu’il s’agisse de la Minusma ou de Barkhane, il est impossible de mettre des militaires partout en considérant l’espace sahélien(…) A chaque fois qu’un Etat demande à l’armée française de ne pas être là, nous quitterons(…) J’entends beaucoup de gens qui disent tout et n’importe quoi dans votre pays. Demandez-vous par qui ils sont payés ? Demandez-vous quel intérêt ils servent ? Moi, j’ai mon idée. Mais que ces gens-là disent qui se fait tuer pour leurs enfants », a répondu le président français

Il a ajouté que des soldats français sont tombés pour « la sécurité des maliens, des nigériens et des burkinabés ». « Donc, les discours que j’ai entendu ces dernières semaines sont indignes, combattus avec beaucoup de fermeté par vos dirigeants. Sont indignes par ce qu’ils servent les groupements terroristes et d’autres puissances étrangères qui veulent voir les européens plus loin parce qu’elles ont leur propre agenda, un agenda de mercenaires. Nous n’avons pas cet agenda. L’armée française est là pour la stabilité et la sécurité », a appuyé Emmanuel Macron, la colère dans la voix. D’après lui, les forces françaises restent au Sahel par la volonté des Etats.

Manifestations anti françaises au Mali et au Burkina Faso

A Pô, au sud du Burkina Faso, un contre-sommet G5 a été organisé par des organisations de la société civile, des syndicats et des universitaires ouest-africains pour exiger le départ des militaires français du Sahel. Ils ont accusé la France de verser dans « la duperie, le chantage et le paternalisme ». « Le chantage de la France consiste à dire : « si on s’en va, vous allez périr. Vous allez disparaître ». Nous, on a envie de dire : « est-ce qu’il faut continuer à déléguer nos responsabilités ? », s’est interrogé Serge Bayala du Comité international Mémorial Sankara sur les ondes de RFI.

Les participants au sommet de Pô ont estimé que les Etats sahéliens devraient réorganiser leurs propres forces armées au lieu de compter sur les militaires français. Ces dernières semaines, plusieurs manifestations anti françaises ont été organisées au Mali et au Niger.

A Bamako, les manifestants ont crié « La France dégage » et « Halte au génocide français », lors d’un rassemblement le 10 janvier 2020. Le chanteur Salif Keita, à la tête du mouvement anti français, a accusé Paris de « tuer » les maliens en étant incapable de « contrer » l’action subversive des groupes armés au Nord. « Le bilan de l’intervention militaire française au Mali est désastreux », a déclaré un manifestant à Africa 24. Un autre a parlé « d’escroquerie diplomatique » en citant les déclarations de dirigeants français sur « la lutte contre le terrorisme » au Mali.