Par Meziane Isli
Tout faire pour que la relation placée dans la perspective « d’un partenariat renouvelé » ne souffre d’aucun parasitage, ni grenouillage. Et que l’apaisement recherché par les deux capitales, Alger et Paris, après les brouilles et la tension de l’année dernière, dure le plus longtemps possible.
C’est en tous cas le sens qu’il convient de donner à la visite de deux jours en Algérie de la Première ministre française, Elisabeth Born, un peu plus d’un mois après celle d’Emmanuel Macron.
Pour sa première visite à l’étranger, Elisabeth Borne s’est déplacée avec pas moins de la moitié de son Gouvernement, un signal fort de Paris pour convaincre les dirigeants algériens de la volonté d’Emmanuel Macron d’ apaiser durablement les fortes turbulences provoquées par ses propos rapportés par le quotidien « Le Monde », début octobre 2021, sur la nature du régime algérien qui entretient, selon lui, une « rente mémorielle », les raisons de sa décision de réduire de moitié le nombre de visas délivrés aux algériens et sur l’existence de la Nation algérienne avant l’occupation française.
Des propos qui avaient suscité la colère et de vives réactions d’Alger qui avait décidé d’interdire le survol de son territoire par les avions militaires français se rendant au Mali et de rappeler son ambassadeur à Paris.
A Alger, Elisabeth Borne, entourée de beaucoup d’égards, a exprimé sa détermination à œuvrer pour le renouvellement du partenariat entre les deux pays dont les relations sont souvent empoisonnées par le contentieux mémoriel.
«J’ai dit au Président Tebboune qu’il peut compter sur la mobilisation et la détermination de mon gouvernement. Notre coopération est essentielle. Nous la mettrons au service de nos deux pays », a-t-elle déclaré à l’issue de l’audience que lui a accordée le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune.
La veille, au terme de la réunion de la 5éme session du comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) algéro-français, elle avait assuré que sa visite en Algérie « ancre une nouvelle dynamique et un cycle durable qui profitera à nos deux peuples et leurs jeunesse ».
Elisabeth Borne qui, probablement, n’ignore rien de la situation en Algérie s’est gardé de tout commentaire sur les questions qui sont de nature à susciter des polémiques ou à « remuer le couteau dans la plaie ».
C’est ainsi qu’elle a passé sous silence la question des libertés et celle des détenus d’opinion. Même la question énergétique et celle des visas ont été reléguées au second plan.
A bien des égards, il s’agissait pour elle de conforter l’idée résolue de Paris d’effacer les stigmates laissés par les propos de Macron.
Il faut dire que le Président français avait déjà balisé le terrain, un mois plutôt, lors de sa visite fin août. Interrogé par un journaliste sur la question des droits de l’Homme et des détenus politiques, Emmanuel Macron a eu cette réponse : « nous avons tout évoqué avec le Président Tebboune, avec beaucoup de liberté, l’intégralité des sujets. Il ne m’appartient pas ici de m’ingérer dans la politique algérienne ».
«Les cas dont j’ai parlé, sur les cas que nous connaissions, sur lesquels nous avions à connaitre et à avancer, je l’ai fait. Pas de la manière dont je vois les choses qui est celle de la transparence, de la liberté, des libertés politiques et de leur respect ; je sais qu’il y est sensible, je sais aussi qu’il est attaché à cela. Ces cas seront réglés en pleine souveraineté algérienne et du chemin qu’il aura à mener ».
En s’interdisant d’évoquer les « sujets qui fâchent » -qu’ils s’autorisent par ailleurs sous d’autres latitudes-, les dirigeants français semblent faire le choix de la « realpolitik » en optant pour l’apaisement.
Une approche qui, au-delà des dimensions que recouvre la relation franco-algérienne, est commandée par les chamboulements géostratégiques induits par la guerre en Ukraine, la crise énergétique et la situation au Sahel, notamment après le retrait des troupes françaises du Mali.
« L’Algérie a un rôle clé dans la région du sahel, géographiquement et politiquement. Notre volonté, c’est de renforcer le partenariat avec l’Algérie (…)»,avait assuré Macron.
Une espèce de « moratoire » ? « On a opté pour l’apaisement, en évitant les sujets qui fâchent. Mais cela ne veut pas dire qu’on n’en parlera pas plus tard », aurait confié, lors de cette visite de Macron, la cheffe de la diplomatie française, Catherine Collona, en privé et en présence de certaines figures algériennes.