Avant l’abandon du projet du 5ème mandat pour Abdelaziz Bouteflika, en mars 2019, des sommes importantes d’argent ont été amassées pour financer la campagne électorale. Hamoud Chayed, qui était en charge de la gestion financière de la campagne, a dévoilé, devant la Cour d’Alger où se tient depuis le 1 mars 2020 le procès de l’affaire du montage automobile et du financement occulte de la campagne de Bouteflika, a déclaré avoir reçu l’ordre de Said Bouteflika, frère et conseiller de l’ancien chef d’Etat, pour collecter les fonds, en coordination avec Ali Haddad, alors président du Forum des chefs d’entreprise (FCE). Il a annoncé qu’un montant de 75 milliards de centimes a été collecté et mis dans un compte ( agence CPA d’Hydra). Ali Haddad tient à ce propos un discours contradictoire. Lors du procès en première instance, en décembre 2019, il a déclaré devant le juge qu’il a été chargé par Said Bouteflika de collecter des fonds pour la campagne précisant même avoir reçu un appel en date du 25 janvier 2019. Ce mardi 3 mars 2020, le patron d’ETRHB tient un autre discours. Il dit n’avoir aucun « lien » avec le financement de la campagne et que « personne » ne lui a demandé de le faire. « Je n’ai rien géré dans cette campagne », a-t-il dit. Les autres accusés ont soutenu le contraire. Relancé par le juge, Ali Haddad a répondu en disant que Said Bouteflika lui a demandé de « trouver un comptable de confiance » pour appuyer Hamoud Chayed. Il a révélé que 19 milliards de centimes ont été « pris » du siège de son groupe (ETRHB) à Dar El Beida, à Alger, sans préciser qui a donné l’ordre de prendre cette somme d’argent. Or, lors du procès de décembre, Hamoud Chayed a révélé qu’on lui a demandé de retirer du compte de la campagne 19,5 milliards de centimes en trois fois et les remettre à Hadj Said, chef de cabinet du président du FCE. Hadj Said était le bras droit d’Ali Haddad.
« J’ai contribué au financement parce qu’ils avaient refusé de fournir mon usine en gaz »
Lors du procès de décembre, Ali Haddad a déclaré avoir contribué au financement de la campagne avec d’autres hommes d’affaires comme Hassan Larbaoui et Ahmed Mazouz. Hassan Larbaoui a contribué avec 20 milliards de centimes et 20 voitures. Face au juge, Ahmed Mazouz, qui est propriétaire du Centre commercial de Bab Ezzouar (Alger) et de l’usine de jus de fruits N’gaous (Batna),a déclaré avoir contribué avec 39 milliards de centimes après avoir été contacté par Mohamed Bairi. « J’ai déposé l’argent le 10 février 2019 au siège du FCE. Bairi m’a dit qu’il faut donner de l’argent à la campagne et qu’Ali Haddad a déjà dégagé 180 milliards de centime. Le 22 février 2019, j’ai demandé à récupérer mon argent. J’ai contribué au financement parce qu’ils avaient refusé de fournir mon usine en gaz et en électricité. C’est Kouninef qui était derrière tout cela », aaccusé Ahmed Mazouz. Les deux directeurs de campagne de Bouteflika Abdelmalek Sellal et Abdelghani Zaâlane ont nié avoir « géré » l’argent de la campagne directement déposé dans deux comptes ouverts au nom de Sellal puis de Zâalane. Abdelghani Zâalane, qui a remplacé Sellal le 2 mars 2019 à la tête de la campagne avec un ordre de mission signé par Mohamed Rougab, secrétaire général de la Présidence, a déclaré que le trésorier de la campagne lui a dit que « des personnes » ont remis des fonds. « Il ne m’a pas donné de détails. Je savais que dès les premiers vendredis du hirak, les gens qui avaient de l’argent ont vite fait de le cacher. Ma mission consistait en la préparation matérielle de la campagne, non pas financière. Je n’ai pas ouvert de compte, ni encaissé ou déposé un chèque », a soutenu Abdelghani Zâalane qui n’a pas expliqué pourquoi l’ordre de misison était signé par le secrétaire général de la Présidence.
Qui donnait l’ordre d’utiliser l’argent de la campagne de Bouteflika ?
Qui donnait l’ordre d’utiliser l’argent de la campagne de Bouteflika ? Ni Sellal ni Zâalane n’ont répondu à la question. Ils ont reconnu l’existence de fonds dans les comptes, sans plus. Sellal a déclaré, lors du procès de décembre, avoir clos les deux comptes après son départ de la direction de la campagne. Ali Haddad a précisé devant le juge que Said Bouteflika l’a contacté, après le début du hirak, le 22 février 2019, pour lui demander de « mettre en sécurité » l’argent de la campagne inachevée. Il a alors décidé de le transférer vers le siège de son groupe à ETRHB (dans des sacs ?). Haddad, qui a parlé de l’existence d’une décharge, n’a donné aucune indication sur la destination des fonds après l’annulation du projet du 5ème mandat et la démission de Bouteflika, début avril 2019. La justice va-t-elle approfondir l’enquête pour tracer cet argent ? A-t-il été transféré à l’étranger ? Les généreux donateurs ont-ils récupéré leur argent ? Des questions sans réponse pour l’instant. Les enquêteurs ont trouvé qu’entre 700 et 800 milliards de centimes ont été « collectés » pour, officiellement, la campagne de Bouteflika. Une grande partie a été récupérée dont des bons de caisse anonymes.