Depuis le 22 février 2019, aucun vendredi ne ressemble à l’autre, mais toutes les manifestations qui rassemblent l’Algérie des classes moyennes et des classes populaires vibrent d’une même puissante demande de liberté et de changement. C’est le constat fait par un « absent » lors des derniers vendredis et qui a retrouvé le « climat revigorant, plein de chants et de couleurs » des marches algéroises.
La défiance à l’égard de la nouvelle façade du régime issue des élections du 12 décembre 2019 est toujours présente. Le ton a été donné immédiatement à la fin de la prière du vendredi à la mosquée Errahma avec le slogan de « tebboune lemzaouer, jabouh l’3askar » (Tebboune le fraudé, ramené par l’armée) et le toujours récurrent « dawla madaniya, machi askariya ».
A la mi-journée, deux étudiants, Amine Sediri et Imad Dahmane ont été arrêtés à la rue Victor Hugo d’Alger. Le journaliste Khaled Drareni qui a signalé sur sa page facebook l’arrestation des deux étudiants se fait à son tour embarquer par deux policiers en civil vers le commissariat du 6ème. On lui reproche d’avoir filmé des interpellations, ce qu’il n’a pas fait. Par contre, il a bien signalé – c’est le job du journaliste – l’arrestation des deux étudiants. L’interpellation de Drareni, vite relayée sur les réseaux sociaux, a coïncidé avec l’arrivée du flux des manifestants après la prière. Les manifestants découvrent des journalistes en attente face au commissariat pour réclamer la libération de leur collègue.
La marche s’arrête et les manifestants se joignent aux journalistes et reprennent le slogan : « Sahafa hora dimocratiya, libérez Khaled Drareni. » Le rassemblement improvisé va durer une bonne vingtaine de minutes. Khaled Drareni est relâché et il revient à la rue Didouche où il est acclamé et porté sur les épaules. « Je remercie du fond du cœur tous les manifestants et les journalistes qui se sont rassemblés devant le commissariat du 6e jusqu’à ce que j’en sorte, plusieurs manifestants interpellés ce matin sous mes yeux n’ont pas encore été relâchés dont les étudiants Amine et Imad » a écrit Khaled Drareni sur sa page Facebook, très fortement suivie par les internautes en Algérie.
Après cet incident, les journalistes s’éparpillent vers la couverture d’un Hirak persistant où l’on ne vient pas pour se compter mais pour réaffirmer une exigence de liberté. « Ô ya Ali wladek mahoumch habssine, 3la l’houria m3awline » (Ô Ali, tes enfants ne vont pas s’arrêter, pour la liberté ils restent déterminés ».
Karim Tabbou a été fortement présent dans les slogans et les chants, certains évoquant les violences qu’il dit avoir subi à la caserne Antar. Vers 15h00, une autre arrestation cible l’ancien policier Toufik Hassani qui avait affiché ouvertement sa sympathie pour le Hirak. Un autre sit-in s’improvisée sur la rue Didouche Mourad pour réclamer sa libération.
Mais la police va disperser le sit-in et entame vers 17 heures à évacuer la manifestation à partir de place Maurice Audin. Mais Alger a été encore une fois le théâtre d’une grande fête pacifique et très politique avec des chants persifleurs, ciblés et pleins d’humour et un message constamment réitéré en direction du pouvoir: « nous ne sommes pas dupes ».
Pourquoi tant d’Algériens continuent-ils de marcher malgré le Corona, la répression et malgré les discours suggérant que la partie « est finie » et que cela ne « sert à rien »? La réponse, on la retrouve dite de différentes façons par les marcheurs: « parce que c’est un vrai wajab watani (devoir national) de ne pas laisser le régime en faillite mettre en péril l’avenir? »; parce qu’il fait « continuer à marcher car le pouvoir continue d’ignorer le pays ». Et aussi parce que « c’est bien que les Algériens se rencontrent et se parlent de tout, du passé, du présent et de l’avenir ».
Plusieurs journalistes interpellés lors du vendredi 55
Plusieurs journalistes ont été interpellés par la police ce vendredi.. Khaled Drareni a été interpellé à Alger avant d’être relâché. Nos confrères Mohamed Lamine Maghnine, Asma Benazouz et Djaafer Kheloufi ont été conduits dans un commissariat à Boumerdes avant d’être relâchés . Kebbabi Ramdane , correspondant du quotidien El Watan du bureau de Boumerdes a été brutalement interpellé par les policiers avant d’être relâché.