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Détention provisoire, torture, ISTN… des avocats pointent un recul des libertés

Radio M | 09/12/23 19:12

Détention provisoire, torture, ISTN… des avocats pointent un recul des libertés

Les avocats Me Fetta Sadat, Me Noureddine Ahmine, Me Abdelghani Badi et Me Mostefa Bouchachi ont animé, ce samedi, une conférence sur la situation des droits humains en Algérie, au siège de l’association SOS disparus à Alger. Les quatre avocats, membres du collectif qui défend bénévolement, depuis 2019, les personnes poursuivies pour leurs opinions et liberté d’expression, ont fait un constat alarmant sur la situation des libertés en Algérie.

Me Fetta Sadat a présenté un exposé sur la place de la liberté du citoyen algérien dans la législation en vigueur. Elle a rappelé, à cet effet, que la constitution algérienne de 2020 garantit les libertés fondamentales dans le respect des principes de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Elle a toutefois estimé que la réalité ne correspondait pas, toujours, à la législation en vigueur.

La question de la liberté de l’individu était, donc, au centre de cette conférence. Me Noureddine Ahmine, qui a fait un exposé sur l’histoire des droits de l’Homme en Algérie, a déploré une situation « catastrophique des droits humains ». Une situation qui « pousse l’individu à s’interroger s’il l’on est réellement des humains », a-t-il regretté.

L’avocat a souligné un recul majeur des droits fondamentaux depuis le Hirak de 2019. « Il y a une régression terrible ! Au moment où nous avions un grand espoir de faire un pas en avant pour développer la société, nous nous sommes retrouvés dans une situation insupportable. Depuis 2019, nous ne sortons pas des couloirs de la justice, des arrestations et des procès », a déploré l’avocat.

Et d’ajouter : « Aucune goutte de sang n’a coulé, depuis 2019, mais le pouvoir a transformé la société algérienne comme vivant dans une situation de guerre ».

De son côté, Me Mostefa Bouchachi a constaté a un recul majeur des droits humains comparant aux années 1990.

Détention provisoire, torture, ISTN

Me Abdelgahani Badi est revenu sur certains cas de violation récurrents dans les dossiers des personnes poursuivies dans des affaires en lien avec la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’opinion comme c’est le cas pour les activistes du Hirak, les journalistes, et les militants politiques. L’avocat a expliqué que le respect de la liberté de l’individu est à chercher dans la chaine qui commence depuis son arrestation jusqu’à la décision de justice. « Entre ces étapes, il y a plusieurs procédures qui exposent l’individu à un certain degré de protection, de violations, voire de répression », a-t-il expliqué.

Me Abdelghani Badi a cité, à ce propos, la détention provisoire, une mesure exceptionnelle devenue fréquente dans une catégorie particulière de dossiers. L’avocat, qui a défendu plusieurs personnes poursuivis dans le cadre de leurs opinions et leur activisme, a relevé un recours abusif à la détention provisoire par les juges instructeur.

« Je ne pense pas qu’une publication sur Facebook ou un communiqué politique puissent être des faits dangereux », a estimé Me Badi, qui a pointe une complicité et une adhésion entre la police judiciaire, le parquet et les magistrats. « Malheureusement, le parquet qui doit protéger les individus, ne remplit pas ce devoir. Il accepte. Le premier dépassement commence par l’acceptation du dossier présenté par la police judiciaire », a-t-il indiqué.

Outre la détention provisoire, l’avocat a évoqué plusieurs cas de violation des procédures comme des cas de torture et de maltraitance pendant les gardes à vue, citant comme exemple le cas du jeune Yasser Rouibah. Il a également relevé d’autres violations comme l’application des lois à effets rétroactif citant comme exemple le cas des personnes poursuivies pour appartenance au mouvements Mak et Rachad en vertu de l’article 87bis du code pénal relatif au terrorisme. Enfin, l’avocat a évoqué les cas des ISTN arbitraires qui pèsent sur des dizaines d’algériens.

La justice n’est pas indépendante, a affirmé Me Badi, qui a constaté une absence totale de la protection des personnes. « Il y a même des interférences de parties sécuritaires, politiques, de l’exécutif, notamment des déclarations du Président de la République dans plusieurs cas comme celui du journaliste Ihsane El Kadi et on a remarqué une adhésion de la justice », a-t-il soutenu.