Trois jours après le verdict le 3 décembre du tribunal de Dar El Beida acquittant l’ensemble des accusés, le Parquet général a décidé de faire appel, relançant de facto le feuilleton de cette retentissante affaire dite « de Rachad ».
Pour rappel, étaient poursuivis dans ce dossier les membres de l’ex-Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH) – dissoute depuis -, dont son président à Oran, Kaddour Chouicha, son épouse Djamila Loukil et le journaliste Said Boudour qui s’est vu imposer des mesures de contrôle judiciaire restrictive dont il a tenté en vain d’obtenir la levée à trois reprises.
D’autres personnes étaient également poursuivies dans cette affaire. Il s’agit de Yasser Rouibah, Mustapha Guerra, Tahar Boutache et Sofiane Rebii, placés en détention provisoire depuis avril 2021. Après 32 mois passées derrière les barreaux, Tahar Boutacheet Yasser Rouibah ont pu quitter la prison après le verdict. Cependant, Mustapha Guerra et Sofiane Rebii sont restés incarcérés, étant détenus dans le cadre d’une autre procédure judiciaire distincte en cours.
Tous étaient accusés « d’enrôlement dans une organisation terroriste » et « d’atteinte à l’intérêt national », le parquet ayant requis à leur encontre la peine maximale de 20 ans de réclusion. Leur crime ? Leurs liens présumés avec Rachad, cette organisation classée « terroriste » par l’Algérie, et le fait d’en avoir reçu des financements.
Des accusations graves, balayées le 3 décembre dernier par le tribunal, qui a prononcé un acquittement général lors d’un procès très attendu. Un camouflet pour le parquet, qui espérait bien faire exemple avec ce groupe de militants et d’opposants.
Mais c’était sans compter l’acharnement de la machine judiciaire. Si le bien-fondé de l’appel du parquet peut interroger, en remettant en cause un jugement conforme à l’État de droit, cette démarche s’inscrit néanmoins dans un cadre légal. Certains y verront la manifestation d’une justice aux ordres, mais le débat judiciaire n’est pas clos.
Car le vrai sujet ici n’est pas Rachad, mais bien la répression de toute contestation du régime depuis le soulèvement populaire du Hirak débuté en 2019. La plupart des accusés sont d’ailleurs des figures de la société civile, qui n’ont eu de cesse de dénoncer les dérives autoritaires du pays.
À l’image du journaliste Said Boudour, arrêté manu militari chez lui avant d’être « frappé, insulté et humilié » selon ses dires. Ou encore du jeune Yasser Rouibah, 21 ans, qui assure avoir enduré « tortures et mauvais traitements » des services de police locaux pendant sa garde à vue. Des allégations graves qui trouvent écho chez de nombreux militants algériens, faisant état d’un climat de violence et d’intimidation croissant.
Un climat délétère également pointé du doigt par des observateurs internationaux, comme la rapporteuse spéciale onusienne Mary Lawlor venue assister symboliquement à l’audience. Celle-ci a d’ailleurs quitté le pays « déçue », tant les autorités algériennes semblent sourdes aux critiques sur les atteintes récurrentes aux droits fondamentaux.