Trois nuits dans une cellule du commissariat de la rue Asselah, ex Cavaignac où il était détenu avec des va-et-vient vers le tribunal de Sidi M’hamed n’ont pas altéré l’humeur du journaliste Khaled Drareni. « Demain, on fait le CPP (café presse politique), tu y seras, hein! ».
Ce sont les premiers mots que Khaled Drareni a dit, en souriant, à un de ses complices dans l’émission politique de Radio M lancée en 2014 à la veille du 4ème mandat et dont il assure l’animation. Porté en triomphe à sa sortie du tribunal, il s’est livré patiemment au jeu des questions que de nombreux journalistes lui posaient.
Placé sous contrôle judiciaire et poursuivi pour « incitation à attroupement non armé » et « atteinte à l’unité nationale », Khaled Drareni a maintenu ce qu’il a dit au juge: il n’a fait que son travail de journaliste et il compte bien continuer à le faire. « Je suis fier de faire mon métier de journaliste et je continuerai d’accompagner le Hirak ». Porté en triomphe par des citoyens et des journalistes, mobilisés depuis la matinée pour la troisième journée consécutive, il a remercié ses confrères, les avocats et aussi les très nombreux citoyens qui lui ont exprimé leur soutien.
Journaliste-témoin du Hirak depuis le début, Khaled Drareni semblait à l’aise au milieu d’une foule bigarrée ou chacun tenait à le toucher, à l’embrasser, à prendre une photo-souvenir. Son père qui a participé à tout les sit-in organisés par les journalistes pour réclamer la libération de Khaled Drareni faisait preuve, lui aussi, d’une grande patience.
Des confrères l’incitaient à rentrer chez lui prendre un peu de repos, mais il tenait à attendre la sortie de ses compagnons de cellule, le militant Samir Benlarbi,et Slimane Hamitouche, de la Coordination des familles de disparus, arrêtés, comme lui, le samedi 7 mars 2020. L’annonce de leur placement sous mandat de dépôt a été un moment de déception en cette journée où Khaled Drareni a recouvert sa liberté, même s’il est soumis à un contrôle judiciaire et par conséquent à une interdiction de sortie du territoire.
L’épreuve subie par Khaled Drareni a été une occasion rare d’une franche mobilisation d’une partie des journalistes qui ont clairement compris que l’enjeu est de le déposséder du droit basique d’informer sur les événements majeurs qui se déroulent dans leur pays.
Sahafi Hor
Le communiqué dénonçant la « prise en otage » de Khaled Drareni, un des initiateurs du collectif « Journalistes Algériens Unis » a été signé par plus de 250 journalistes. Un record dans une profession à la dérive et atomisée, incapable depuis des décennies de se doter d’une organisation représentative et fiable. Le texte n’est pas sans rappeler la fameuse déclaration du Mouvement des Journalistes Algériens (MJA) qui informait “l’opinion publique nationale et internationale “que les journalistes « ont été et sont toujours interdits d’informer objectivement des faits et événements qu’a connus le pays, notamment depuis l’explosion populaire du 5 octobre”.
Khaled Drareni, assure sans discontinuer une couverture du Hirak depuis le 22 février 2019, ce qui rend dérisoire l’occultation générale du mouvement populaire par les médias audiovisuels publics et privés, lesquels n’ont pas donné d’information sur son arrestation. Les persécutions dont Khaled Drareni fait l’objet depuis des mois ciblent clairement l’information professionnelle sur le Hirak. Les journalistes qui se sont mobilisés pour sa libération ont constamment répété un slogan qui est tout un programme: « Khaled Drareni, Sahafi Hor ». Khaled Drareni est sous contrôle judiciaire, mais il est libre dans sa tête.