L’incarcération controversée du journaliste et directeur des deux médias indépendants Radio M et Maghreb Emergent, Ihsane El Kadi, continue de susciter l’indignation, notamment au sein des milieux intellectuels algériens. Dans une interview accordée à RFI, l’écrivain Yasmina Khadra, signataire d’un texte réclamant la libération du journaliste, exhorte les autorités à écouter la « voix algérienne » sur ce dossier sensible.
Selon Yasmina Khadra, « la moindre des choses est d’essayer de soutenir » Ihsane El Kadi, incarcéré dans des conditions qu’il juge « horribles » en raison de ses « idées » et de sa « conception du monde ».
Figure emblématique de la presse libre algérienne, le journaliste est poursuivi dans le cadre d’une affaire de réception de financement visant à faire de la propagande politique pour déstabiliser la nation. Yasmina Khadra évoque un « acharnement » incompréhensible dans un pays qui devrait « comprendre où est son salut » : « dans les idées, pas dans la répression ».
Plutôt que de « quémander la clémence », Yasmina Khadra en appelle à la « raison » et à la « sagesse » du président Tebboune. Lui-même victime d’une « injustice », il doit se « libérer de tout ce qu’il a subi » et faire preuve de discernement dans cette affaire.
Tout en mettant en garde contre des interventions étrangères « contre-productives », l’écrivain estime que « la voix algérienne » doit être entendue sur ce dossier, d’où sa signature aux côtés d’autres personnalités nationales telles que la vétérante du combat pour l’indépendance Louisette Ighilahriz, ainsi que de grands scientifiques algériens tels que Elias Zerhouni et Noureddine Melikechi. La libération d’Ihsane El Kadi sera, à ses yeux, un test décisif des intentions réelles du pouvoir.
Dans cette optique, d’autres voix continuent de s’élever pour interpeller le président Tebboune. Certains appels l’enjoignent à user de son pouvoir de grâce présidentielle, seule issue possible désormais après l’épuisement des recours légaux. Des organisations de défense des droits de l’Homme comme RSF et Amnesty International ont également lancé des « appels solennels » en ce sens auprès des autorités.
À l’international, la pression se fait également insistante. En mai 2023 déjà, une tribune publiée dans Le Monde et signée par 10 intellectuels de renom tels que Noam Chomsky ou Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022, demandait au chef de l’État algérien de « faire tout ce qui est en son pouvoir » pour libérer le journaliste emprisonné depuis le 29 décembre 2022.