Maersk et CMA-CGM contournent l'embargo algérien sur les ports marocains - Radio M

Radio M

Maersk et CMA-CGM contournent l’embargo algérien sur les ports marocains

Radio M | 27/01/24 19:01

Maersk et CMA-CGM contournent l’embargo algérien sur les ports marocains

Si l’Algérie a choisi de frapper fort en interdisant les marchandises transitant par Tanger Med, premier port à conteneurs d’Afrique, c’est que ce hub portuaire est vital pour ses approvisionnements. Près de 15 millions de conteneurs y sont manutentionnés chaque année, dont une partie alimente le marché algérien. 

Privée de cette plateforme logistique de premier plan pour ses approvisionnements, l’Algérie est contrainte de s’adapter en urgence. Ses importations depuis l’Asie et l’Europe, auparavant routées via le Maroc, devront emprunter des trajets maritimes plus longs, ce qui rallongera les délais de livraison et renchérira les coûts. 

Cette réorganisation dans l’urgence révèle les vulnérabilités logistiques de l’économie algérienne ainsi que l’incapacité de ses ports à absorber efficacement des flux détournés. Elle place aussi les géants du transport maritime face à un casse-tête, tant l’accès au marché algérien est stratégique pour eux.  

Maersk et CMA-CGM l’ont bien compris en prenant des décisions radicales, quitte à bouleverser leurs autoroutes de la mer habituelles depuis Tanger. Ils redirigent désormais une partie de leurs conteneurs à destination de l’Algérie via les ports espagnols de Valence ou Algésiras, engendrant surcoûts et complexité. 

Ces réactions en chaîne reflètent les conséquences à double tranchant de la stratégie algérienne : fragilisation de ses approvisionnements et mise à mal des acteurs internationaux du transport maritime.

Un coup dur pour les ambitions du Maroc

Le royaume chérifien voit lui un de ses grands projets stratégiques être fragilisé. Le port Tanger Med est en effet le fer de lance de ses ambitions de devenir un hub régional incontournable. Son trafic a été multiplié par 5 en 10 ans.

L’interdiction algérienne remet ce positionnement en question, et ce au moment où le Maroc ambitionne également de devenir la porte d’entrée énergétique de l’Europe, avec des projets gaziers d’envergure.

Sur le court terme, les pertes seront substantielles. Outre le manque à gagner direct, c’est toute l’attractivité économique du pays, mise en avant pour attirer les investisseurs étrangers, qui est entamée.

Des économies prises en otage

Ce bras de fer économique révèle à quel point les deux économies maghrébines restent otage d’enjeux géopolitiques qui les dépassent. Qu’il s’agisse du Sahara Occidental ou des rivalités régionales, les considérations politiques prennent le pas sur la raison économique.

Pourtant, le Maroc comme l’Algérie auraient beaucoup à gagner d’une intégration économique régionale. Celle-ci stimulerait leur croissance, déjà malmenée par la pandémie et l’inflation importée. Mais les tensions politiques rendent cette perspective très hypothétique, au grand dam des populations.

Ces mêmes tensions politiques, latentes depuis des décennies, ont finalement atteint leur paroxysme le 24 août 2021. Cette date tragique restera à jamais gravée dans les annales comme le point de non-retour des relations explosives entre l’Algérie et le Maroc. Ce jour-là, suite à de multiples « attaques »marocaines, Alger a officiellement rompu les relations diplomatiques avec Rabat.

Parmi ces « attaques » jugées intolérables par le régime algérien, certaines ont fait déborder le vase. L’Algérie reproche notamment au Maroc son soutien à des mouvements comme le MAK et Rachad, qu’elle accuse de terrorisme. Autre grief : l’espionnage de responsables algériens via le logiciel Pegasus. Mais aussi la responsabilité de Rabat dans le blocage du conflit du Sahara Occidental et de l’intégration maghrébine.

L’élément déclencheur est cependant sans conteste les propos dangereux du ministre des Affaires étrangères israélien YaïrLapid envers l’Algérie, lors de sa visite au Maroc en août 2021. Des déclarations inacceptables pour Alger, qui y voit la main complice de Rabat et un franchissement de ligne rouge sans précédent dans les relations entre les deux puissances régionales.