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V56 : Face au risque du Coronavirus, le Hirak en quête d’autres formes de lutte

Said Djaafer | 13/03/20 09:03

V56 : Face au risque du Coronavirus, le Hirak en quête d’autres formes de lutte

Des Algériens vont marcher ce vendredi, le 56 ème du Hirak, en essayant de prendre toutes les précautions possibles (pas d’embrassades, pas de serrements de mains) mais l’idée d’une pause dans les manifestations de rues fait rapidement son chemin.

Les derniers bilans liés au Coronavirus en Algérie font état de deux morts et de 27 personnes contaminées. Même si les chiffres restent très modérés en comparaison avec ce qui se passe chez nos voisins européens, la présence du virus n’est plus limitée à Blida, elle a été signalée à Souk-Ahras et Tizi-Ouzou. Et désormais à Skikda, où le deuxième décès pour cause de coronavirus – un homme de 55 ans, venu de France – a été enregistré. Le principe de précaution doit – et va – prévaloir dans un pays où le système de santé présente des défaillances majeures.

Les mesures prises par de nombreux pays dont le système de santé est autrement plus performant que le notre renseignent clairement sur la dangerosité du Covid-19 désormais qualifié de « pandémie » par l’Organisation mondiale de la santé. L’OMS s’est d’ailleurs inquiétée à l’égard d’une certaine nonchalance des Etats à prendre les mesures radicales de protection quitte à ce que cela affecte le fonctionnement de l’économie.

Quid de la délicate question des mosquées?

En Algérie, les pouvoirs publics viennent de prendre la mesure, sage, de fermer les établissements scolaires et universitaires pour prévenir la circulation du virus. Les vols entre l’Algérie et le Maroc ont été suspendus d’un « commun accord ». Mais si une telle mesure est prise avec le Maroc, pourquoi ne s’étend-elle pas aux vols avec l’Europe qui est désormais un foyer très actif de diffusion du virus ?

Il est en de même pour les mosquées – qui sont des salles fermées – où le risque de propagation est très fort. Le ministère des affaires religieuses a décidé de la fermeture de « l’école nationale et des instituts de formation, des écoles coraniques, des zaouïas et du centre culturel islamique avec ses différentes structures ». Mais pour le sujet, délicat et sensible des mosquées, il a juste appelé les imams à « alléger » les prêches lors de la prière du vendredi. Une préconisation qui laisse sceptique les médecins. Des centaines et souvent des milliers de personnes rassemblées dans les milliers de mosquées du pays – même pour une quinzaine de minutes – cela peut constituer un cauchemar. Car, et les médecins le disent, une multiplication de cas – qui nécessiteraient d’être mis en réanimation – risque d’engorger rapidement les structures de santé.

Le seul bon remède à l’heure actuelle en Algérie, comme ailleurs, est la prévention de l’extension du virus. Beaucoup de croyants vont prendre d’eux-mêmes la décision de s’abstenir d’aller à la mosquée, mais il restera de nombreux autres qui continueront d’y aller en s’en remettant à la baraka divine.

Ceux qui sont officiellement en charge du culte doivent – et ils vont devoir le faire vite en cas d’extension des cas – assumer la responsabilité de mesures plus radicales. Le président du Conseil de l’ordre des médecins, le docteur Bekkat Berkani, préconise de prendre la mesure d’annuler la prière collective du vendredi car les « grands rassemblements sont facteurs de contamination éventuelle ».

La force du Hirak

Pour les militants du Hirak, le débat est déjà largement engagé sur les réseaux sociaux. Beaucoup dénoncent et surtout se moquent de l’appel fait, à partir de Londres par Mohamed Larbi Zitout à un «ichtibak salmi » (affrontement pacifique) avec les forces de l’ordre. Par contre, la question du Hirak face au coronavirus est abordée avec sérieux et responsabilité. Des publications ont ainsi alerté contre la tendance irrationnelle à croire que le Coronavirus « ce n’est rien du tout » et ont appelé à envisager de suspendre les marches et les rassemblements.

Le Hirak est fort car il a donné à ceux qui y participent, malgré la répression et les provocations du pouvoir, un puissant sentiment de sécurité. Désormais, il ne peut occulter que le Coronavirus impose de trouver d’autres moyens que les rassemblements et les marches pour maintenir la pression contre un régime qui ne donne toujours pas de signaux d’ouverture.

Les Algériens ont fait preuve de créativité depuis le 22 février 2019 face à un régime frappé d’obsolescence et qui donne, dans les tribunaux, le spectacle de sa corruption systémique abyssale. Ils sauront à n’en pas douter trouver les moyens de continuer le combat, long, pour la république des citoyens.