Ambiance particulière ces trois derniers jours à Alger. Une ville où s’est installée la rumeur sur l’instauration d’un éventuel «état d’urgence » ou d’un « confinement obligatoire » à cause de la propagation du Coronavirus dans le pays. « Ils vont bientôt fermer la ville », annonce, entre deux gorgées de café, un homme dans une cafétéria du côté de Ferhat Boussâd, au centre-ville. A deux pas de là, le marché de « Meissonnier » est pris d’assaut par les citoyens convaincus qu’il faut «faire un stock de guerre» de fruits et légumes.
La demande exceptionnelle a, évidemment, fait exploser la mercuriale malgré l’offre importante en produits frais. La spéculation est l’amie intime de la panique. Dans les superettes d’Alger centre, la farine, la semoule et la levure sont introuvables. Les algériens craignent visiblement la fermeture des boulangeries alors qu’aucune décision n’a été prise en ce sens.
La demande sur les légumes secs comme les haricots blancs, les lentilles et les pois chiche est forte aussi. Idem pour le riz, le sucre, les huiles et les pâtes. Légèrement, les prix ont augmenté pour ces produits, mais pas autant que pour les légumes et fruits. Le kilo de pomme de terre a dépassé les 100 dinars. La fièvre a commencé dans les marchés de gros, notamment à Bougara à Blida, où les prix des tomates, de la pomme de terre, des carottes et des courgettes ont doublé en deux jours.
Des produits introuvables dans les pharmacies
L’Etat prendra-t-il des mesures d’urgences pour freiner la hausse inexplicable des prix et poursuivre les spéculateurs ? Kamel Rezig, ministre du Commerce, a promis de lancer « une campagne » contre ceux qui « absorbent le sang de leurs frères » en temps de crise. Des contrôles seront effectués dans les marchés de gros et de détails. La lutte contre « le virus résistant » de la spéculation risque d’être dure. Les réseaux qui contrôlent le marché ont pris beaucoup de puissance ces dernières années, couverts par l’impunité.
A Médéa et à Mila, les services de sécurité ont saisi plusieurs tonnes de farine destinés à la spéculation. Dans les pharmacies, c’est la ruée sur les bavettes médicales (masques chirurgicaux), les gels hydro alcooliques, les alcools et les gants. A place du 1 mai, à la Rue Didouche Mourad et à la Rue Hassiba Benbouali, le stock des bavettes et des gels désinfectants est épuisé. « Revenez demain », annonce un pharmacien à une femme qui protestait. « Mais, où sont donc passées les millions et les millions de bavettes dont on nous a parlé ? », s’interroge-t-elle. Le Syndicat national des pharmaciens d’officine (SNAPO) s’est plaint de l’intervention des intermédiaires entre « le producteur ou l’importateur d’un côté, et les pharmaciens d’officine d’un autre côté ». Le SNAPO a évoqué « une augmentation inhabituelle des prix » des gels, des bavettes et des alcools.
A la rue Hassiba Benbouali et au marché Réda Houhou, des bavettes et des gants sont proposés par des vendeurs à la sauvette à prix double, voire triple. A la rue Didouche Mourad, une pharmacie a organisé ses clients de sorte à ce qu’ils font la queue en respectant une certaine distance de « sécurité » pour éviter une éventuelle contamination. Devant la porte, des consignes de prévention sont données aux présents flyers à l’appui. Une excellente initiative.