À la veille de la Journée mondiale de la liberté de la presse, Reporters sans frontières (RSF) a une nouvelle fois haussé le ton pour réclamer la libération du journaliste Ihsane El Kadi, injustement incarcéré depuis plus d’un an en Algérie.
Lors d’une réception présidentielle, l’ONG a renouvelé par la voix de son représentant Khaled Drareni “son soutien aux journalistes entravés dans leur travail” et lancé “un appel à la grâce présidentielle” en faveur de ce directeur de publication reconnu. Un cas devenu l’emblème de la répression judiciaire qui s’abat sur les voix indépendantes en Algérie.
Le 29 décembre 2022, Ihsane El Kadi, à la tête de Radio M et du site Maghreb Émergent, avait été placé en détention provisoire dans des conditions “illégales”. S’en était suivie une condamnation pour le moins expéditive le 2 avril 2023, Ihsane El Kadi écopant de cinq ans de prison dont trois ferme, pour avoir prétendument reçu “des financements étrangers”. Une peine alourdie encore en appel le 18 juin, portée à sept ans dont cinq ferme, celle-ci figurant parmi “les plus lourdes jamais prononcées contre un journaliste algérien”, selon RSF.
Une sanction judiciaire d’une sévérité rarissime, visant un professionnel des médias “reconnu pour son engagement professionnel”, a déploré l’ONG de défense de la liberté de la presse. Une incarcération qui soulève par ailleurs de lourds soupçons d’irrégularités dans le traitement de cette affaire.
Face à cette situation, RSF aura tout tenté pour obtenir la libération d’Ihsane El Kadi. “Dès son arrestation, l’organisation l’a soutenu en menant une campagne internationale active”, à coups de saisines d’urgence auprès d’experts onusiens et de mobilisation de patrons de presse dans 14 pays différents.
Les équipes de RSF n’auront pas non plus ménagé leurs efforts pour sensibiliser l’opinion, organisant jusqu’au dépôt symbolique de “13 000 enveloppes devant l’ambassade d’Algérie à Paris” quelques jours avant le verdict d’avril, représentant les signatures d’une pétition “FreeIhsaneElKadi”.
Mais la sentence définitive est désormais tombée, et “tous les recours judiciaires sont épuisés”. Seule “une grâce présidentielle” semble désormais en mesure de faire plier ce dossier ultrasensible pour le pouvoir algérien. Un geste d’apaisement que réclament avec insistance de nombreuses voix “en Algérie comme à l’étranger”, et pour lequel RSF ne désarmera pas.
Car au-delà du cas individuel d’Ihsane El Kadi, c’est bien la question plus large de la liberté de la presse et de l’expression en Algérie qui se trouve ici posée. Une bataille de tous les instants pour permettre au journalisme indépendant d’exister et de s’exprimer, malgré la chape de plomb que le pouvoir algérien tente d’abattre sur les voix discordantes.