Le chef de l’Etat a voulu paraître déterminé lors de sa nouvelle rencontre avec des représentants de médias publics et privés diffusée dans la soirée du vendredi 01 mai sur de nombreux médias en affirmant vouloir faire adopter une nouvelle constitution et doter le pays d' »institutions fortes » avant la fin de l’année.
Cette volonté d’aller rapidement vers ce qu’il a appelé « l’accélération du changement politique » ne semble guidée que par son agenda exclusif. Elle ignore en tout cas la situation politique d’un pays où les citoyens, ou du moins une partie, manifestent depuis plus d’une année et où des dizaines de détenus d’opinion attendent leurs procès dans les maisons d’arrêts. Depuis une dizaine de jours, on assiste même à une nouvelle vague d’arrestations ciblant les activistes aux quatre coins du pays, ce qui élargit le nombre des mises en détention provisoire. Le recours régulier au mandat de dépôt est devenue une règle et non plus une exception, s’indignent les avocats et les militants des droits de l’homme.
Une situation politique tendue qui provoque parfois des réactions de colère en dépit de la retenue liée au confinement face à la crise sanitaire.
L’idée de mesures d’apaisement ne semble pas être de mise. Une fois de plus, comme à chaque crise, on met en oeuvre un chantier de révision de la Constitution pour répondre à des revendications légitimes et des aspirations politiques ignorées. Abdelaziz Bouteflika, pour ne citer que lui, a procédé à plusieurs révisions de la Constitution au cours de ses quatre mandats.
Un vieux schéma
M. Tebboune a indiqué qu’une mouture sera imprimée incessamment et envoyée « aux acteurs politiques, à la société civile et aux médias pour débat et enrichissement, et ce, dès la semaine prochaine. » Cette démarche, a-t-il souligné encore, vise à « éviter la perte de temps même en cas de prolongement du confinement imposé actuellement du fait de la propagation du Covid-19 ».
On est dans la démarche classique du pouvoir d’une consultation formelle des acteurs politiques autour d’un texte pré-établi. Pour rappel, un membre du comité d’experts en charge de la formulation de propositions pour la révision de la Constitution, Fatsah Ouguergouz, en a démissionné.
Dans une lettre au président, ce docteur de droit et ancien juge à la Cour africaine des droits de l’Homme, a déclaré émettre “de très sérieuses réserves sur l’avant-projet de Constitution tel que finalisé au 15 mars 2020, date prévue de sa soumission à votre haute attention aux termes de l’article 2 du décret présidentiel n° 20-03 du 11 janvier 2020”. Pour lui, cet avant-projet s’inscrit “ pour l’essentiel dans la continuité de la Constitution actuelle”.
Tebboune a indiqué par ailleurs qu’un « processus de révision du Code électoral » était en cours » et qu' »une commission spéciale veille à son élaboration pour que l’Algérie ait d’ici la fin de l’année d’autres institutions solides ».
Dans ce contexte, il convient de rappeler les conditions chaotiques dans lesquelles ont été adopté les lois sur l’Autorité indépendante des élections et le régime électoral en septembre dernier. Avalisées en conseil des ministres le 09 septembre, les deux lois ont été adoptées par les deux chambres du parlement au soir du 13 septembre en dépit d’une forte contestation dans le pays.
Une constitution qui reste dans la « continuité de l’actuelle » et une révision du Code électoral par le même parlement, strictement réduit à la fonction de chambre d’enregistrement, et dont la légitimité est entachée, ne sont pas de nature à convaincre que l’on va effectivement vers une « Algérie nouvelle ».
Pour beaucoup d’observateurs politiques, la démarche vise moins à renforcer les institutions qu’à débarrasser le chef de l’Etat d’un parlement hérité de son prédécesseur. Elle sera, probablement, soutenue par les mêmes partis qui peuplent l’actuel parlement et qui n’ont jamais fait preuve d’originalité ou d’indépendance.