Le verdict dans l’affaire des présumés assassins de Djamel Besmail sera prononcé par le juge du tribunal criminel de Dar El Beida ce mercredi ou au plus tard jeudi. «En fonction de l’état d’avancement des délibérations », selon plusieurs avocats constitués dans le dossier.
Entamé samedi après-midi, les plaidoiries des avocats des accusés ont pris fin lundi. Durant trois jours, les avocats de la défense ont tenté de battre en brèche les accusations retenues contre leurs clients. Plusieurs d’entre eux ont contesté la présence de certains de leurs clients au box des accusés, au motif que leurs apparitions dans les vidéos, projetées lors du procès, ne signifient pas pour autant qu’ils sont impliqués dans l’assassinat du défunt Djamel Bensmail, tandis que d’autres ont contesté les « condamnations groupées, collectives », sous prétexte que la commission de l’acte procède de la « responsabilité individuelle »
« Il faut condamner chaque accusé selon ce qu’il a commis», estime Me Hlaleche. Pour Me Louni, il y’a parmi les accusés «ceux qui ont commis des actes, des curieux et ceux qui aidaient la police».
« Distinguer ces trois catégories est logique » d’après lui car « personne ne connait l’intention des gens présents sur place ce jour-là ». Il défend ainsi son client « M.N » qui était, selon l’avocat, présent pour aider les policiers à calmer la foule.
Lors de ces plaidoiries, plusieurs avocats ont défendu des accusés qui sont, selon eux, » juste apparus sur des vidéos ou des photos » et « contre lesquels aucune preuve de meurtre ou de lynchage n’a été avancée, mais qui risquent aujourd’hui la peine capitale ». Selon eux, ces personnes se sont retrouvées sur place « par curiosité ou par un pur hasard ».
« Apparaître sur une vidéo n’est pas un crime », a martelé Me Bentaya Lahcen dont le client M.R est « victime du lieu où il ne devait pas y être au moment où il ne fallait pas ». « Il n’y a aucune preuve de son implication. Il n’est pas sur les vidéos du lynchage; il n’a pas de contacts avec les personnes classées comme terroristes et ni l’examen du matériel électronique n’a été positif. On le voit sur la vidéo passer, jeter un coup d’œil puis repartir », soutient-il.
De son côté, Me Abdelkader Haouali estime que ses clients, H.F et M.R, « se trouvaient sur place par curiosité ». Son argument? «Ils n’apparaissent sur aucune vidéo entrain de lyncher Djamel Bensmail ». L’avocat a également essayé de convaincre le juge que son autre client G.M était sur place « pour venir en aide à la police ». « Mais, il a été attaqué par la foule, ce qui l’a poussé à fuir ». « Comment pouvez-vous demander à un simple citoyen de résister à la foule pour sauver la victime quand quelqu’un d’autre muni d’une arme, un taser et de lacrymogène n’a pas pu le faire? », se demande encore l’avocat.
Dans sa longue plaidoirie, Me Haouali est revenu également sur les déclarations des accusés qui ont dénoncé « la torture » qu’ils auraient, selon eux, subis chez les services de sécurité. « L’accusé M.L a évoqué un point très grave. Il a révélé qu’il a été torturé. Cela est dangereux pour les libertés et les droits des citoyens en Algérie ». « M.L n’était pas sur les lieux. Et quant à sa relation avec le MAK, il avoué lui même, en toute franchise, qu’il n’a aucune relation avec ce mouvement depuis sa démission », dit-il.
Il faut rappeler que plusieurs accusés ont avoué, lors de leur audition concernant l’affaire d’appartenance au MAK, qu’ils étaient membres de ce mouvement, mais qu’ils ont quitté bien avant son classement par les autorités algériennes comme « organisation terroriste ». Un point, au demeurant, relevé à plusieurs reprises par la défense.
Enfin, Me Kamel Lounes s’est interrogé « si le procès est celui de l’assassinat de Djamel Bensmail ou celui du MAK ». « Pourquoi la police a tout fait pour sauver les deux victimes de la Clio Campus, mais n’a pas fait de même pour sauver Bensmail Djamel ? Pourquoi nous ne voyons pas la police sur les vidéos ? D’accord, un tir de sommation pouvait provoquer un dérapage, mais pourquoi alors n’avoir pas utilisé du gaz lacrymogène ? Ce sont toutes ces questions qui doivent être posées dans ce procès qui a traité plutôt l’affaire du Mak et non celle de l’assassinat de Djamel Bensmail », a plaidé l’avocat.
Lors de son réquisitoire, le procureur avait requis dix ans de prison ferme assortie d’une amende de 500000 DA à l’encontre des accusés poursuivis en correctionnelle (26) et la peine capitale pour le reste des accusés, au nombre de 91, poursuivis en criminelle, mais dont une quinzaine sont en état de fuite.