C’est une première. Sur les ondes de la radio nationale une voix officielle accuse ouvertement les Émirats arabes unis de fomenter un « complot »pour « déstabiliser » l’Algérie et la région. Invitée ce dimanche de la chaîne 3, l’analyste Nazim Sinidépeint « une alliance machiavélique » entre Abou Dhabi, le Maroc et Israël pour déstabiliser les pays du Sahel.
Selon lui, les Émirats sont même devenus « une plateforme de blanchiment d’argent » qui « achète tout » y compris des positions d’influence au sein du « Parlement européen » et du « Congrès américain ». Forts de leur puissance financière, ils n’hésitent pas à débloquer des fonds conséquents pour déstabiliser la région, à l’instar de ce budget de 15 millions d’euros pour financer des « campagnes subversives » anti-algériennes au Mali et au Niger.
Objectif affiché : « créer un climat de tension entre l’Algérie et ses voisins » en tentant insidieusement de faire croire que ce serait Alger qui financerait des groupes terroristes au Sahel. Des accusations graves qui auraient dû susciter une réplique vigoureuse des autorités algériennes.
Les affronts d’Abou Dhabi se multiplient
Pourtant, les affronts des Émirats à l’égard de l’Algérie ne datent pas d’hier. Dernier camouflet en date : le rejet en juin 2022 par Abou Dhabi de la candidature de l’ex-chef de la diplomatie algérienne Sabri Boukadoum au poste d’émissaire de l’ONU en Libye, alors que les Émirats sont membre non permanent du Conseil de sécurité. L’Algérie soupçonne même les États-Unis de tirer les ficelles derrière ce refus visant à l’humilier.
Le flou total du côté des Affaires étrangères
Ces allégations émanent pourtant d’une source officielle, la radio publique, sans être désavouées ni démenties formellement par le pouvoir. Or le ministère des Affaires étrangères, seul autorisé à s’exprimer sur ce dossier brûlant, s’est contenté récemment de qualifier les relations avec les EAU de « solides » et « privilégiées ».
Cette position intervenait en effet après la diffusion d’une « fausse » information par une chaîne locale selon laquelle l’ambassadeur émirati en Algérie est déclaré persona non grata.
Difficile donc de faire la part des choses entre le vrai et le faux. Mais une certitude s’impose : cette affaire a provoqué en Algérie un mini-séisme avec le limogeage dans la foulée en juin dernier du ministre de la Communication, sans que les raisons de cette brutale disgrâce ne soient précisées.
Essoufflement d’une relation privilégiée
Ce feuilleton médiatico-diplomatique improbable pose en creux la question du réchauffement des relations entre Alger et Abu Dhabi sous l’ère Chengriha, après une période de connivence assumée durant les années Gaïd Salah.
De nombreux observateurs avaient même souligné à l’époque la « relation incestueuse » entre l’ex-chef d’état-major de l’armée algérienne et le pouvoir émirati.
Lors de ses trop nombreuses visites à Abou Dhabi, des intérêts occultes étaient suspectés, mêlant contrats d’armements juteux et idéologie pro-islamiste assumée des deux pays.
Mais depuis la mort de Gaïd Salah fin 2019 et son remplacement par le général Chengriha, un net refroidissement semble s’être installé dans la relation algéro-émiratie. La connivence Stratégique et les combines douteuses de l’ère Gaïd Salah appartiennent désormais au passé.
Chengriha serait ainsi revenu à une doctrine plus rigoriste, recentrant l’armée sur ses missions régaliennes et coupant court aux dérives affairistes de son prédécesseur. D’où la mise au ban des Émirats et le début des hostilités à peine voilées entre les deux pays ?
L’actuel chef d’état-major semble en tout cas peu enclin à fermer les yeux sur les ingérences émiraties en Afrique du Nord et au Sahel, ni à passer l’éponge sur leur double jeu dans la région. D’où le durcissement progressif de l’Algérie à leur égard et la FIN de l’alliance contre-nature nouée par Gaïd Salah ?
La méfiance s’installe désormais également du côté du Parti des Travailleurs (PT), dont la secrétaire générale Louiza Hanoune a appelé à « réduire la présence émiratie » en Algérie devant la « menace » pesant sur les intérêts algériens. Preuve que ce troublant allié d’hier a définitivement changé de statut.