Algérie/Justice : Farouk Ksentini parle de 20 000 personnes en "détention provisoire" - Radio M

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Algérie/Justice : Farouk Ksentini parle de 20 000 personnes en « détention provisoire »

Radio M | 17/12/20 12:12

Algérie/Justice : Farouk Ksentini parle de 20 000 personnes en « détention provisoire »

Les détentions provisoires et arbitraires en Algérie se sont multipliés ces dernières années. Un constat amer que les juristes et défenseurs de droits de l’Homme réitèrent à chaque occasion.

Dans une déclaration faite au quotidien arabophone El khabar, l’ancien président de la commission consultative de défense des droits de l’homme, Farouk Ksentini, « il y a plus de 20 000 personnes en détention provisoire en Algérie. Un chiffre qui représente un quart du total des prisonniers”.

« Environ 40 % des prisonniers, placés en détention provisoire, sont incarcérés sous les ordres des juges d’instruction », confirme Farouk Ksentini, ce qui explique, selon le l’avocat, le fait que la plupart de ces détenus soient acquittés après avoir passé des semaines et des mois en détention préventive ».

De surcroît, les avocats et défenseurs des droits de l’homme déplorent toujours l’absence des chiffres officiels concernant cette mesure, qui doit être appliqué dans des cas exceptionnels, selon le code pénal. Pour Farouk Ksentini, « ils se comptent par milliers, comme en témoigne le secret du ministère de la Justice et son refus constant de révéler le nombre réel de prisonniers en détention provisoire et dans l’attente de la finalisation des enquêtes dans leurs affaires ».

Une exception devenue règle ?

Pour l’ancien président de la commission consultative de défense des droits de l’homme, « ce qui se passe dans la réalité est dangereux. Car l’emprisonnement provisoire est devenu une culture qui s’est enracinée dans l’écrasante majorité des juges ».

L’ancien avocat explique le comportement de certain magistrats par la crainte « d’éviter de prononcer des ordonnances de mise en détention, en particulier dans certains dossiers délicats et lourds », ajoutant que « les choses se sont considérablement aggravés dans certains cas » et que « la mise en liberté provisoire est devenue un soupçon pour de nombreux juges », malgré le fait qu’elle est la règle selon la loi, contrairement à l’emprisonnement, qui est une procédure exceptionnelle. Celle ci est, en effet, prononcée en cas de preuves ou d’aveux convaincants, ou il n’y a aucune garantie que l’accusé comparaîtra lors du procès », détaille Ksentini.

C’est la défaillance de tout le système judiciaire

L’Illustration parfaite de cette recrudescence des cas d’emprisonnement provisoire est à retrouver chez les détenus d’opinion du Hirak, avec des cas de figure qui ont fait jurisprudence, comme celui de l’étudiant Walid Nekkiche, en détention préventive et sans procès depuis plus d’une année, ou encore de Walid Kechida, en détention depuis plus de 6 mois sans procès.

Farouk Ksentini souligne enfin qu’il ne « parle pas de personnes, mais plutôt d’une pratique qui a faussé l’ensemble du système judiciaire, en ignorant la présomption d’innocence et en la compensant par des ordonnances d’emprisonnement qui sont devenues la chose la plus facile dans la plupart des cas traitées par les autorités judiciaire », regrettant que « la situation est devenue grave ».