Nouvel amendement du Code pénal. L’ordonnance 66/156 du 08 juin 1966 portant Code pénal a connu plusieurs modifications ces dernières années. Réuni dimanche 19 avril pour la première fois en visioconférence, le Conseil des ministres a étudié et adapté un projet de loi portant modification et complètement de ce code.
Selon Belkacem Zeghmati, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, les dispositions du texte proposent une adaptation de cette loi avec les mutations survenant dans le pays, « afin de prendre en charge les nouvelles formes de criminalité qui en découle, et combler le vide dans le système juridique en matière de gestion des crises ». Il s’agit,a joute-t-on, de la diffusion des fake-news dont le but est « l’atteinte à l’ordre, à la sécurité publics, l’atteinte à la sûreté de l’Etat et à l’unité nationale ». Plusieurs personnes ont été interpellées ces dernières semaines en raison de diffusion de « fausses informations » sur les réseaux sociaux à propos de la crise sanitaire liée au Coronavirus. Certains ont émis des doutes sur le nombre de cas atteints du virus, sur le nombre de décès et sur les capacités de l’Etat à faire face à la pandémie. Cela a été évoqué par le président Abdelmadjid Tebboune lors d’une interview télévisée le 31 mars dernier.
Cependant cet amendement suscite de nombreuses inquiétudes chez les professionnels des médias et les défenseurs des droits de l’Homme. Où sera la limite entre le « fake news » et l’information « non désirée » par les autorités. A titre d’exemple, ceux qui ont dénoncé au cours des dernières années l’existence d’une corruption généralisée, même au plus haut sommet de l’Etat, auraient certainement été qualifiés à ce moment-là de « colporteurs de fake-news ».
Fake news et informations « non désirées »
Dans les démocraties, les fake news discréditent les médias qui les relaient et c’est un risque que les plus sérieux ne veulent pas prendre. Dans les systèmes autoritaires où l’information officielle est hyper-contrôlée et lacunaire, de tels dispositifs comportent le risque très concret d’un musèlement encore plus grand de la société et un outil pour faire taire toutes les voix dissidentes. L’explosion d’Internet a certes libéré de l’espace pour les fake news, les théories complotistes et même les pouvoirs les utilisent. Mais les professionnels des médias et même de la communication dans le monde entier le martèlent: la seule réponse aux fake news, c’est une information transparente, l’accès aux sources pour les médias et le libre exercice du métier de journaliste. Les législations sur les fake news sont en général moins dirigées contre la fausse information que contre le travail journalistique. Elles instituent ainsi des « lignes rouges » informelles et donnent un pouvoir d’interprétation exorbitant aux pouvoirs.
« Durcissement des peines… »
Dans « les nouvelles formes de criminalité » est citée aussi la falsification en vue de l’obtention d’aides publics financières, matérielles et en nature ainsi que d’exonérations fiscales.Il s’agit aussi d’actes portant atteinte à la probité des examens et concours, de mise en danger d’autrui ou à leur intégrité corporelle. « Il est question également d’un durcissement des peines pour les crimes d’outrage et d’agression contre la personne de l’imam, destruction ou profanation de lieux de culte publics, et enfin l’augmentation des limites , minimales et maximales, de l’amende relative à la violation des règlements émanant de l’administration », est-il précisé dans le communiqué du Conseil des ministres. Des actes qui, selon la même source, se sont répandus ces dernières années en Algérie au point de menacer la sécurité et la stabilité du pays. Le président de la République Abdelmadjid Tebboune a déclaré que ce projet d’amendement s’inscrit dans le cadre de ses 54 engagements, notamment pour ce qui a trait à « la moralisation de la société et de l’administration », et à la rupture définitive avec les pratiques ayant porté atteinte à l’image de l’Etat et à la probité de ses cadres, « dans le cadre d’un Etat fort et équitable sans aucune ambiguïté entre la liberté et l’anarchie ».
« L’Etat fragile ne peut donner lieu qu’à l’édification d’une pseudo démocratie »
« La véritable démocratie ne saurait se construire que dans le cadre d’un Etat fort avec sa justice et sa cohésion nationale, et nous sommes déterminés à édifier cet Etat avec son référent novembriste. L’Etat fragile ne peut donner lieu qu’à l’édification d’une pseudo démocratie ouvrant les portes à l’anarchie et à la violation de la loi, à l’utilisation de l’Etat à des fins personnelles, et il me désole de dire que nous vivons une certaine anarchie affectant parfois les fondements de l’unité nationale et la conspiration avec certains réseaux étrangers hostiles au pays », a soutenu le chef de l’Etat. Il a ajouté que « la véritable démocratie » est une revendication populaire irréversible. « Une démocratie accordant à tout un chacun la place qu’il mérite indépendamment de sa position sociale. La démocratie que nous ambitionnons de construire ensemble, n’arrange pas ceux qui ont répandu la corruption sur la terre en amassant des fortunes suspectes et bénéficié de privilèges indus en usant de différents moyens », a-t-il appuyé.