La mouture de l’avant projet de révision de la Constitution distribuée, à partir de ce jeudi 9 mai 2020 par les services de la Présidence de la République, porte plusieurs changements. Elle consacre la limitation du mandat présidentiel à deux mandats « successifs ou séparés », offre la possibilité au président de la République de nommer un vice-président, consolide l’institution du Chef du gouvernement, limite l’état d’urgence ou l’état de siège à 30 jours et l’état d’exception à 60 jours « renouvelables après l’approbation du Parlement », limite le mandat parlementaire à deux et supprime le droit de légiférer par ordonnance durant les vacances parlementaires. Il est question aussi d’obliger le gouvernement d’accompagner les projets de lois par des textes d’application « faute de quoi les projets de loi ne seront pas inscrits à l’ordre du jour du Parlement ». Le gouvernement est tenu de présenter au Parlement, à sa demande, tous les documents et informations pour l’exercice de son contrôle. La mouture évoque aussi la distinction entre l’immunité parlementaire pour les actes rattachés à l’exercice du mandat parlementaire et l’immunité parlementaire pour les actes non rattachés au mandat parlementaire.
Le ministre de la Justice ne siègera plus au Conseil supérieur de la magistrature
Concernant le chapitre sur « l’indépendance de la justice », la composante du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), qui sera constitionnalisée, va changer. Ainsi, le ministre de la Justice et le Procureur général auprès de la Cour suprême ne feront plus partie du CSM. Deux représentants syndicaux des magistrats et le président du Conseil national des droits de l’homme rejoindront le conseil alors que le nombre des magistrats élus représentants le juges de sièges sera augmenté proportionnellement à leur effectif, le nombre des magistrats élus représentants le parquet sera maintenu. Le Conseil constitutionnel sera supprimé et remplacé par la Cour constitutionnelle qui aura la prérogative de contrôler les ordonnances et la conventionnalité des lois. La Cour peut aussi contrôler à posteriori les ordonnances et les règlements. De nouveaux principes ont été introduits dans le projet de révision de la Consitution : consécration du droit à la vie, pénalisation de la torture et la traite des humains, protection de la femme contre toutes formes de violence, droit de réparation pour toute arrestation et garde à vue, droit de respect de correspondances et de communications privées sous toutes leurs formes, protection de l’exercice des cultes sans discrimination, exercice des libertés de réunion et de rassemblement sur simple déclaration, consécration constitutionnelle de la liberté de la presse sous toutes ses formes et interdiction de contrôle préalable sur cette liberté…Autres principes : la loi ne doit pas comporter des dispositions de nature à entraver la liberté de création de partis politiques, participation de la jeunesse dans la vie politique, consécration de la liberté de création intellectuelle et reconnaissance du droit aux citoyens à présenter des pétitions et obligation aux pouvoirs publics de répondre, répression par la loi du trafic d’influence et déclaration de patrimoine au début et à la fin de fonction pour toute personne nommée à une fonction supérieure ou élue dans une assemblée parlementaire ou locale.
Le mouvement du 22 février 2019 constitutionnalisé
Le mouvement populaire du 22 février 2019 (Hirak) sera constitutionnalisé dans le Préambule de la Loi fondamentale. Autre nouveautés dans la Constitution : prohibition du discours haineux et de discrimination, possibilité de doter certaines communes de statut particulier, obligation de l’administration de motiver ses décisions et de répondre dans le délai fixé par la loi, insertion de Tamazight comme disposition qui ne peut faire l’objet de révision, constitutionnalisation de la participation de l’Algérie à des opérations de maintien de la paix sous les auspices des Nations Unies et constututionnalisation de la participation de l’Algérie à la restauration de la paix dans la région dans le cadre d’accords bilatéraux de pays concernés. La mouture a été envoyée aux chefs de partis, aux directeurs d’organes de presse, aux syndicats, aux organisations professionnelles, aux associations estudiantines, à la société civiles et aux universitaires. « La distribution de cet mouture d’avant-projet avait été reportée en raison de la crise du Covid-19 et l’impossibilité d’organiser des débats publics. Toutefois, devant l’insistance de nombre de partenaires politiques, organisations de la société civile, syndicats et personnalités nationales pour tirer profit del’occasion du moi sacré du Ramadhan et le confinement sanitaire afin de consulter le document, le Président de la République a préféré satisfaire leur demande », a précisé la Présidence de la République dans un communiqué. Appel a été lancé pour « débattre et enrichir » la mouture « dans le respect des mesures préventives de lutte contre la propagation du Covid-19 ». « Ce texte se veut une simple mouture pour une révision globale et profonde de la Constitution. Il s’agit, donc, d’une plateforme de débat et une méthode de travail que le Président a voulu suivre pour ne pas voir un débat lancé du vide mais plutôt à partir d’un document élaboré par une élite d’éminents professeurs de droit », est-il ajouté.