C’est un équilibre difficile à trouver. L’effort de toute une vie quand on y songe. Garder un cœur ouvert aux autres sans trahir sa propre intégrité. Faire preuve de générosité de cœur et d’empathie sans pour autant tout accepter. Ne pas imposer avec agressivité ou dédain ses convictions et ses idées, mais ne pas laisser les autres dans l’erreur quand celle-ci menace le bien être commun.
En période de crise, cet équilibre est encore plus difficile à atteindre que de coutume. Le temps est à n’en point douter à la fermeté car nous vivons une urgence sanitaire et des centaines, voire de milliers de vies sont en jeu. Des docteurs en Italie le disent et le répètent. Rien ne les avait préparé à ce qu’ils vivent depuis quelques semaines.
Il s’agit donc de sauver des vies en appelant à la prudence, en réitérant que seuls les gestes dits barrières et la distanciation sociale sont des remparts efficaces contre le Corona virus. Appeler à se laver les mains ne suffit plus. Il faut à tout prix éviter les regroupements et les manifestations. Annuler les mariages, les fêtes, les diners et les réunions familiales. Empêcher ce virus de se propager.
C’est cela la priorité.
Répétons-la avec bienveillance, avec humour, avec force mais sans invectiver ces autres que l’on aimerait sauver. Sans complaisance non plus lorsque l’on juge que les comportements mettent les autres en danger.
Les réseaux sociaux permettent de sensibiliser autour de soi. Ils donnent lieu à des gestes de générosité et de partage. L’humour y fait comme d’habitude rage avec surenchère de jeux de mots, de memes hilarants et de vidéos cocasses. La solitude et l’isolement dans ces temps de confinement et de distanciation sociale sont moins pénibles à vivre car on garde le contact avec ses amis et sa famille.
Les réseaux sociaux peinent néanmoins à mettre en place des systèmes de communication productifs et bienveillants. Chacun y va de son commentaire parfois moqueur sinon narquois « ah la la, mais tu es en pleine panique, toi » D’autres ne peuvent s’empêcher de donner des leçons « un peu de décence, enfin, ne comparons pas l’incomparable ». On revient aux réflexes d’antan. On veut absolument avoir raison. On traite les gens d’ignorants, d’arriérés et de sous-développés. On insulte, on invective, on méprise le peuple hier héroïque devenu à nouveau plèbe informe.
Car hélas, la peur et la colère ne sont jamais loin l’une de l’autre. Elles se nourrissent comme deux monstres insatiables. Pour comprendre combien elles sont liées, songez à ces moments où enfant vous avez joué avec le feu (des allumettes par exemple) et vous êtes faits gronder par un parent qui terrifié n’a pas su exprimer sa peur autrement qu’en hurlant.
Si j’ai peur de quelque chose, je suis en colère contre quelqu’un. Et plus la peur est grande et plus la colère est immense. Or aujourd’hui nous avons tous peur. Une peur panique, oui, car au fond de nous, nous savons ce qui se joue sous nos yeux. Prenons donc garde à nos colères. Faisons de notre mieux. Plutôt que de crier, respirons. Plutôt que d’invectiver, sensibilisons. Plutôt que d’insulter, compatissons. Plutôt que de pérorer, partageons. Nous vivons un moment qui exige beaucoup de courage. Beaucoup de fermeté certes, mais aussi de l’amour et de l’affection.
Un équilibre difficile. L’effort de toute une vie…