Par El Kadi Ihsane
C’est le délire de Yahia, tenant de café à Zeghaia, chef-lieu de Daïra agricole à Mila, dans le Nord Constantinois. Ses clients agglutinés sont braqués vers la télévision haut-perchée sur le mur du fond. Classico ? Non, ce n’est plus la saison. Et c’est la chaine 6 de la télévision publique. Jusque-là, les gens de Zeghaia n’avaient jamais entendu parler d’Oued Tlelat. Si, peut-être un peu, grâce à l’usine Renault.
A l’arrêt, en attendant que Tebboune sorte un autre génie de sa bouteille, après Ferhat Ait Ali. Mais ce soir le quizz est plus vicieux. Les clients du cafetier ont encore moins entendu parler de badminton, discipline olympique depuis 1992.
À Oued Tlelat, se joue un match de Badminton et le café entier de Zeghaia retient son souffle devant la télévision de chez Yahia incrédule. C’est une finale, médaille d’or de JM en jeu et la paire algérienne affronte la paire espagnole favorite du tournoi. Le public de la salle omnisports d’Oued Ttelat, populaire, ressemble à celui du café de Zeghaia.
La suite, c’est l’extension du domaine du délire qui l’écrira. Public en feu. Dans tous les cafés d’Algérie branchés sur la chaine 6, l’onde sismique de la vibration qui venait d’Oued Tlelat va porter Mammeri-Medel vers le plus renversant de leurs titres.
Les femmes en plus. En grande majorité, en Hidjab, leurs bambins à portée de bras. Pas de souvenir que Boualem Rahoui ait eu droit à une telle présence féminine devant sa chevauchée fantastique de 1975, pourtant dans un immense stade olympique. Koceila Julien Mammeri et Youcef Sabri Medel font bien la paire. Le premier gaucher, le second droitier, ils règnent ensemble sur le filet en Afrique depuis quatre ans. Tout le monde ne le sait pas dans le café de Yahia.
À Oued Tlelat, peut-être un peu plus. Espoir de médaille. La couleur pouvait virer au vermeil depuis cette demi-finale mal embarquée contre la paire Croate, à la mi-journée, et finalement gagnée haut la main. La paire d’en face appartient à la 6e nation mondiale, l’Espagne, en nombre de titres au Badminton. Les ibériques, appuyés sur l’expérimenté Pablo Abian Vicen, 37 ans, sont les favoris.
Le premier set 21-14 a validé la hiérarchie. Et puis, tout d’un coup, le temps d’un break entre sets, Mammeri-Medel décident de redonner du son à la salle d’Oued Tlelat un moment tétanisée, et d’interrompre les derniers joueurs de dominos au café de Zegahaia. La Remontada est lancée. Contre des espagnols transformés en parisiens de l’ère Qatarie. À 20-19, il ne fallait pas trembler. La première balle de match sera la bonne pour disputer une 3ème manche.
La suite, c’est l’extension du domaine du délire qui l’écrira. Public en feu. Dans tous les cafés d’Algérie branchés sur la chaine 6, l’onde sismique de la vibration qui venait d’Oued Tlelat va porter Mammeri-Medel vers le plus renversant de leurs titres.
La journée a été longue sans nouvelles médailles d’or. Le Karaté a mis la barre très haut, le premier jour. La paire brillante Mammeri-Medel a relancé le compteur. Refait monter le drapeau au plus haut. Et transformer, par une fin d’après midi étirée de juin, le Badminton en une danse populaire algérienne. Les jeux d’Oran exportent du délire. Et les cafés de Yahia à Zeghaia et ailleurs, vont en acheter. Tous les jours.
