L’Algérie refuse de prendre position en faveur d’une partie ou d’une autre dans le conflit libyen en cours. Cette position a été expliquée par le président Abdelmadjid Tebboune à la conférence internationale sur la Libye qui s’est tenue à Berlin le dimanche 19 janvier 2020.
L’Algérie qui entretient avec la Libye des relations historiques et des liens de bon voisinage veille à demeurer équidistante à l’égard de l’ensemble des protagonistes, et partant, n’a ménagé aucun effort pour le rapprochement des vues et l’établissement de passerelles de communication avec tous les acteurs.
De même qu’elle n’a eu de cesse d’appeler à faire prévaloir la sagesse et à favoriser le processus pacifique pour le règlement de la crise. Seule et unique option à même de garantir l’unité du peuple libyen et le respect de sa souveraineté, loin de toute ingérence étrangère », a déclaré le chef de l’Etat devant les participants à la conférence.
Il a rappelé que depuis le début de la crise en Libye, l’Algérie n’a eu de cesse d’exhorter les parties libyennes à adhérer au processus de dialogue, parrainé par les Nations Unies et accompagné par l’Union africaine (UA), « en vue de former un gouvernement d’entente nationale apte à gérer la transition et la réédification des institutions de l’Etat libyen pour relever les défis qui se posent au peuple libyen dont la lutte antiterroriste».
«Un acharnement dans la destruction des infrastructures » de la Libye
«A cet effet, elle a participé activement, à divers niveaux, à tous les efforts en faveur d’une solution politique à la crise libyenne, notamment à travers son initiative, en mai 2014, pour la création du Mécanisme des pays voisins de la Libye, qui a tenu sa première réunion à Alger, outre que les différentes cycles de dialogue qu’elle a abritées, depuis mars 2015, entre les dirigeants des partis politiques libyens dans le cadre des processus de dialogue, supervisés par l’ONU », a-t-il souligné.
L’Algérie est également partie de l’initiative tripartite sur la Libye avec L’Egypte et la Tunisie, issue de la Déclaration de Tunis, en mars 2017, et dont elle abrite périodiquement les réunions. «Au-delà des offices menés loin des projecteurs afin de garantir la réussite de sa démarche, l’Algérie a œuvré intensément pour la stabilisation du cessez-le-feu, partant de son sens de solidarité à l’égard du peuple libyen frère », a ajouté le chef d’Etat algérien rappelant le soutien de l’Algérie pour l’engagement « d’un dialogue inclusif » devant aboutir à « une solution consensuelle » à la crise libyenne.
Un dialogue qui ne doit pas concerner des groupes terroristes « inscrits sur la liste de l’ONU ». Abdelmadjid Tebboune a parlé de « grave et inédite escalade de la crise libyenne » qui se manifeste par une recrudescence d’actes de violence et d’hostilité et « un acharnement dans la destruction des infrastructures du pays ».
«Un tournant dangereux mettant en péril l’unité du peuple, la souveraineté et l’avenir de ce pays frère et voisin. Aussi, nous nous félicitons du cessez-le-feu de principe, que nous souhaitons voir durer(…) Malheureusement, la situation dans ce pays frère se trouve exacerbée du fait des ingérences négatives, attisant le feu de la Fitna et les rancœurs», a-t-il prévenu. Le président algérien a évoqué les afflux d’armement qui profitent à des parties en conflit et qui ont exacerbé la situation en Libye, « sans parler de l’implication de combattants étrangers et la présence de groupes terroristes extrémistes, dont les activités ont accru avec l’escalade militaire, menaçant ainsi la paix locale, régionale et internationale ».
« Multiplicité d’agendas »
« Des activités qui englobent la traite des êtres humains, le crime organisé et le trafic de migrants à partir de la Libye vers l’autre rive de la Méditerranée, autant de facteurs menaçant la stabilité de la Libye et de toute la région. Nul n’ignore, en outre, que les luttes d’influence régionales et internationales et la multiplicité d’agendas contradictoires jouent en faveur du statut quo, ce qui est de nature à mettre en échec les efforts onusiens et régionaux pour parvenir à une solution politique », a-t-il appuyé.
Et d’ajouter : « L’Algérie appelle de nouveau la communauté internationale, notamment le Conseil de sécurité, à assumer sa responsabilité en matière de respect de la paix et de la sécurité de la Libye et réaffirmé son opposition à toute atteinte à son intégrité nationale et à la souveraineté de ses institutions. La politique du fait accompli en Libye est catégoriquement rejetée ».
Le président algérien a estimé que la région a besoin d’une stabilité fondée sur la sécurité commune. « Et nous sommes, en Algérie, attachés au maintien de la région loin des ingérences étrangères. La sécurité de la Libye est le prolongement de notre propre sécurité et le meilleur moyen de préserver notre sécurité régionale reste la coopération et l’entraide avec nos voisins pour faire face au terrorisme et à l’extrémisme », a-t-il soutenu.
Alger prêt à abriter le dialogue inter libyen
Alger souhaite que l’approvisionnement en armes des parties en conflit s’arrête pour « éloigner le spectre de la guerre » et appelle à encourager les parties libyennes « à s’asseoir autour de la table pour résoudre la crise par le dialogue et les voies pacifiques et éviter ainsi des dérapages aux conséquences désastreuses et l’Algérie est prête à abriter ce dialogue escompté entre les frères libyens ».
Pour rappel, la Conférence de Berlin sur la Libye a regroupé, outre l’Algérie, l’Egypte, les Emirats arabes unis, la Chine, l’Italie, l’Allemagne, la Russie, la Turquie, les Etats Unis, la Grande Bretagne, la France, l’ONU et la Ligue arabe. Les participants ont appelé, à l’issue de la Conférence, à un cessez-le-feu permanent en Libye et à un embargo sur les armes.
« Tous les participants souhaitent une solution politique au conflit », a déclaré la chancelière allemande, Angela Merkel. La Russie a, elle, regretté l’absence « d’un dialogue sérieux » entre les parties en conflit. Alger a connu ces dernières semaines un ballet diplomatique en relation avec la situation actuelle en Libye. Outre le président du Conseil présidentiel du Gouvernement d’entente nationale libyen (GNA), Faiz Al Sarradj, les représentants du général Khalifa Haftar, le président du Conseil italien Giuseppe Conte et les ministres des Affaires étrangères de Turquie, d’Italie et d’Egypte ont rendu visite à l’Algérie.