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El Hadi Lassouli, bénévole humanitaire et engagé dans le Hirak, depuis un an en prison

Lynda Abbou | 25/05/22 14:05

El Hadi Lassouli, bénévole humanitaire et engagé dans le Hirak, depuis un an en prison

Connu pour son engagement humanitaire, sa générosité, son humour et sa sagesse, « Habibou » ou « Babana » (notre père) pour les plus jeunes, de son vrai nom El Hadi Lassouli, fête ses 52 ans à la prison de Berouaguia, en Algérie, ce mercredi 25 mai 2022.

Cet activiste pacifique, aimé par tous ceux qui l’ont connu pendant les 3 ans de la révolution populaire du 22 février 2019, et soutenu par les défenseurs des droits humains, bouclera bientôt un an de détention provisoire « pour avoir aidé des familles nécessiteuses et avoir eu l’esprit rassembleur au sein du Hirak ».

« Pénalisé » pour avoir été solidaire

El Hadi Lassouli, menait des actions d’aide aux familles nécessiteuses. Il avait fait cela pendant toute sa vie, mais ses actions humanitaires ont été médiatisées pour la première fois à l’occasion du mois de ramadan 2020, soit la première année du confinement lié à la Covid-19. Il l’avait fait dans le but de mobiliser d’autres algériens à aider les plus démunis dans l’une des périodes les plus difficiles qu’a connue le monde entier.

Une activité humanitaire qui le conduira en prison avec un dossier judiciairement lourd aux côtés de 66 autres personnes. En effet, dans une longue liste d’accusations, Habibou est poursuivi pour « financement occulte ».

Une accusation incomprise par lui et par ses proches. Un de ses amis, le photographe Sid Ahmed Belouchrani, nous a raconté qu’il était « impressionné » le jour où il est allé donner un coup de main à El Hadi dans la distribution des aides. « Avec ses propres moyens, il a préparé des couffins correctement remplis et variés, chose qui m’a impressionné au point où je lui ai proposé une petite contribution. A ma grande surprise, El Hadi a refusé ma proposition et m’a dit qu’il s’agit de son propre don et qu’il a fait le choix de ne recevoir d’argent de personne » témoigne Sid Ahmed Belouchrani.

« Financement occulte »

Selon ses avocats, le détenu lui-même est étonné. « Je n’acceptais même pas les contributions des donateurs ici en Algérie, comment m’accuser d’avoir reçu l’argent de l’étranger ?! » s’interroge El Hadi depuis sa prison.

Selon ses proches, il ne pouvait pas rester insensible devant des gens en difficulté. Son grand cœur, sa générosité et son hospitalité sont connus de tous. C’est un agriculteur et éleveur, amoureux des animaux, de la terre et la liberté qui s’est retrouvé étouffé dans une cellule de la prison d’El Harrach à Alger. Privé du soleil et de la couleur du ciel sous lesquels il a travaillé toute sa vie.

Derrière les barreaux depuis le 24 juin 2021, il a continué à faire de l’humour, pour lequel il est connu, afin de soulager ses codétenus. Il a également continué à jouer son rôle de rassembleur et de médiateur pour gérer et régler les conflits entre les détenus. 

« Je ne suis pas un terroriste »

Mieux encore, lors de son audition dans le fond, El Hadi a plaidé en faveur des prisonniers de droit commun. Selon son avocate, Me Nacera Haddouche, il avait plaidé devant le juge pour « la préparation des prisonniers pour une réintégration dans la société après leur libération ».

Le temps passe et son dossier est toujours bloqué. Il est non seulement accusé de « financement occulte » mais aussi d’« appartenance à un groupe terroriste » ! Une accusation qui l’a « touché dans son amour propre » témoigne Me Nacera Haddouche.

« El Hadi a entamé sa première grève de la faim car il n’a jamais accepté le fait d’être accusé de terrorisme en vertu de l’article 87 bis ». Une grève de la faim qui lui a couté un transfert vers la prison de Berouaghia. L’avocate a qualifié cette opération d’« abus » car selon elle, le détenu « a été  pénalisé par rapport à sa grève de la faim ».

Sur les pas de son père le Moudjahed

Costaud, Habibou a perdu 30 kg et son état de santé s’est dégradé lors de cette première grève de la faim, du mois de janvier 2022.

Une perte de poids qui avaient choqué sa famille et ses avocats, mais vécue autrement par El Hadi. Il a raconté à son avocate que son père est un Moudjahed qui a été emprisonné en 1958 par le colonisateur français, et qu’il avait fait une grève de la faim de 20 jours en contestation de ses conditions d’incarcération. Au bout de 20 jours le colonisateur a satisfait à la revendication du défunt père de El Hadi Lassouli.

Sur les pas de son père le Moudjahed, El Hadi vivait fièrement sa grève de la faim. C’était une manière pour lui de réaffirmer qu’il n’est pas terroriste mais qu’il est issu d’une famille révolutionnaire. « Il a choisi un moyen pacifique en détriment de sa santé » pour rejeter cette « infamante » accusation. 

Ces amis estiment qu’il est aberrant de l’accuser de terrorisme, lui qui a toujours eu des positions médianes et modérées. « Il n’avait pas de visions extrémistes. Bien au contraire, il était contre l’extrémisme dans toutes ses formes et quelle que soit l’idéologie dont il se réclame » souligne Sid Ahmed Belouchrani.

« Rassembleur et tolérant »

Selon lui, lors des rencontre et discussions politiques dans le cadre de la révolution populaire, El Hadi avait toujours le profil du rassembleur qui se souciait de l’unité des algériens. Un témoignage partagé par son avocate qui a confirmé qu’il a continué à faire le rassembleur à l’intérieur de la prison. 

Ce mois de mai et après 10 mois de détention provisoire, ce citoyen actif dans l’humanitaire et le bénévolat, et qui a participé au Hirak aux côtés de millions d’algériens, a entamé sa deuxième grève de la faim. Une action pour s’opposer au blocage de son dossier qui stagne depuis des mois.

En réponse à cette action et à la campagne de solidarité qui a été lancée afin d’exiger sa libération, « il y a eu fin d’instruction et son dossier a été renvoyé à la chambre d’accusation ».  Me Haddouche a déclaré à ce sujet que le collectif de défense va plaider devant ladite chambre pour demander un non-lieu de l’affaire.

Le 24 juin prochain El Hadi Lassouli père de deux enfants étudiants à l’université, bouclera un an de mandat de dépôt. Ses proches, qui n’arrivent toujours pas à accepter l’emprisonnement de Habibou, attendent avec beaucoup d’espoir sa libération.