Conciliant avec le pouvoir depuis notamment l’élection présidentielle de 2019, le président de Jil Jadid, Sofiane Djillali vient de se distinguer par une sortie pour le moins curieuse. Il ne demande pas moins à Abdelmadjid Tebboune qu’à renoncer à briguer un second mandat.
« Un deuxième mandat a de fortes chances de se transformer en un malheureux échec qui sera autant pénible pour lui que pour le pays. Je mesure les conséquences de ma prise de position, mais je pense qu’il aura tout à gagner à renoncer au second mandat » a affirmé Djillali dans un entretien accordé à TSA.
« Autant la politique du Président a pu correspondre, dans une première phase, aux besoins du pays, autant maintenant la conjoncture a changé et ne permet plus les mêmes approches », justifie-il en ne cachant pas ses inquiétudes sur la tournure des événements dans le pays.
Dans le même entretien, le chef du parti s’est interrogé sur plusieurs points sur lesquels il a des doutes. « Est-ce que le Président est en mesure d’insuffler une nouvelle politique audacieuse, forcément différente de celle qu’il a menée jusqu’ici s’il est reconduit pour un deuxième mandat ? A-t-il l’envie, l’énergie, les hommes et l’ingénierie politique pour cela ? Le doute est permis » s’est-il interrogé.
Pourtant dès l’arrivée de Abdelmadjid Tebboune au pouvoir, Sofiane Djillali n’a pas cessé de montrer des signes de rapprochement avec celui-ci. Il était l’un des premiers chefs du parti a rencontrer le Chef de l’Etat. La première rencontre remonte à janvier 2020 et la dernière en date de mai 2022. L’un des sujets que Sofiane Djillali avait abordé avec Tebboune notamment lors de la première rencontre, c’est « la libération de l’ensemble des détenus d’opinion, en citant (à l’époque) les cas de Karim Tabou, Fodhil Boumala, Samir Belarbi et Abdelwahab Fersaoui, ainsi que tout autre détenu du Hirak ».
« Le président Abdelmadjid Tebboune m’a assuré qu’il userait de ses prérogatives constitutionnelles pour que Karim Tabbou et Samir Benlarbi retrouvent leur liberté », a déclaré mardi 2 juin 2020 Sofiane Djillali, une déclaration pour laquelle il a été largement critiqué sur les réseaux sociaux. Les internautes lui ont reproché sa volte-face passant d’un chef d’un parti d’opposition à un porte-parole d’un pouvoir « autoritaire ».
Et au fil des mois, il s’est rendu compte des difficultés d’exercice de la politique, comme il le reconnait dans l’entretien en évoquant le verrouillage médiatique, l’absence de débat et la gestion sécuritaire du pays.
Dans une première réaction à l’annonce de la tenue de la présidentielle anticipée, il a affirmé que ce « n’est pas une précipitation ». « C’est une décision dont les raisons exactes n’ont pas été données, mais elle ne bouleverse pas outre mesure le calendrier. C’est plus une adaptation technique qui a ses bons côtés, mais aussi ses mauvais, puisqu’on va se retrouver dans une campagne électorale en plein été », avait-il dit. Et aujourd’hui, il semble peu convaincu de ces arguments en se référant à la dépêche de l’APS.
La question dès lors est de savoir pourquoi Sofiane Djillali demande à Tebboune de ne pas se représenter alors que la loi l’y autorise. Cette invitation découle-t-elle d’une conviction qu’un changement à la tête de l’Etat pourrait desserrer l’étau sur la vie politique et médiatique bâillonnées durant ces dernières années ? Ou se fait-il le relais de quelque segment du pouvoir hostile à une reconduction de Tebboune ?
Une chose est sure : l’annonce de l’élection présidentielle a non seulement désorienté les acteurs politiques, pris au dépourvu, mais aussi divise la classe politique. Les prochaines semaines, avec la convocation du corps électoral, et l’entrée en scène des potentiels candidats nous renseigneront mieux sur les enjeux de cette élection décidément pas comme les autres.