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Fermeture des bars et débits de boissons en Algérie : le marché noir prend le relais

Salim Mesbah | 28/10/20 15:10

Fermeture des bars et débits de boissons en Algérie : le marché noir prend le relais

Face à la fermeture des bars et débits de boissons, depuis l’apparition de la pandémie du Covid, le marché noir a pris le relais de la vente d’alcools au grand dam d’une filière qui est au bord de la crise.   

« Pour m’offrir mes bières je vais jusqu’à El Achour, alors que j’ai deux débits de boisson dans mon quartier, fermés depuis l’apparition de la pandémie et interdits de rouvrir. C’est du n’importe quoi ! », peste Mehdi.

Deux fois par mois, Mehdi prend la route qui mène à Sebala (Sud-Ouest d’Alger). A mi-chemin, il tourne à gauche pour s’engager dans une impasse où une grande villa aux couleurs ocre, qui domine les autres constructions, est devenue l’un des lieux les plus prisés des Algérois à la recherche de cette sorte de boissons.

C’est ici que beaucoup d’entre eux viennent se ravitailler en alcool. Il suffit de traverser un petit jardin, de pénétrer dans ce qui ressemble à un ancien garage réaménagé pour la circonstance pour faire son stock d’alcools, vendus 30% plus chers que les prix pratiqués, alors que pour d’autres alcools l’augmentation peut atteindre les 50%.   

« Nous vivons dans un pays où règne une grande hypocrisie, sur l’alcool. On est l’un des plus gros consommateurs d’alcools dans le monde arabe, et on continue à vouloir nous pénaliser pour des considérations religieuses totalement hors du temps », s’emporte Mehdi.

Même si la plupart des bars ont baissé rideaux, les Algériens qui ont changé leurs habitudes de consommation pour privilégier l’achat dans lés débits de boissons, consomment près de 1,2 million d’hectolitres de bière, 600 000 hectolitres de vin et 120 000 hectolitres de spiritueux importés.   

Le relais de … l’internet

Si le gouvernement a autorisé les commerces de boissons alcoolisées à ouvrir, il a eu la mauvaise idée de laisser la décision à l’appréciation des walis, qui ont préféré geler les autorisations.

Conséquence : le marché noir est en plein expansions et a repris le relais des débits de boisson, en empochant au passage une marge conséquente. Sur Facebook, la « page Djibli » permet de faire des emplettes depuis son canapé. Un coup de fil et la commande est prête à vous être livrée… par scooters.  Il suffit de se fixer un point de ralliement et on vous livre « vite et bien » comme le proclame l’opérateur au téléphone.

La formule connaît un grand succès, surtout chez les jeunes. Youcef, jeune cadre dans une entreprise privée est un fidèle de « Djibli » et a eu recours à plusieurs reprises à leurs services.  Il aime leur disponibilité et leur rapidité de livraison et surtout l’anonymat que procure l’achat en ligne.

« Tu as toujours peur quand tu achètes tes boissons dans un débit de tomber sur un voisin où un collègue. Maintenant tu es assuré de ne tomber sur personne », explique-t-il.

L’Apab lance l’alerte

« Si cette situation perdure, le circuit de distribution risque de passer totalement vers le réseau du marché informel, notamment pour les boissons alcoolisées importées, qui sont vendues à des prix très concurrentiels puisqu’exonérées du paiement du droit additionnel provisoire de sauvegarde », a expliqué Ali Hamani représentant de l’Association des producteurs algériens de boissons (Apab), au quotidien El Watan.

Un risque qui peut coûter cher à l’État qui va devoir se passer de recettes fiscales conséquentes. En 2019, les impôts ont empoché près de 15,1 milliards de dinars pour les bières alcoolisées produites localement et près de 4,5 milliards pour les vins, soit un total de près de 19,6 milliards de dinars.