Ghassan Salamé a démissionné lundi de son poste d’envoyé spécial de l’ONU en Libye. Officiellement pour « raisons de santé ». Personne ne le croit. Pour beaucoup d’observateurs, ce n’est pas la démission qui est surprenante mais le fait qu’elle ait tardé, tant l’homme avait pris la mesure de l’impossibilité d’agir dans une Libye où le rôle des puissances extérieures entrave de manière systématique toute solution.
Ghassan Salamé souligne dans son tweet en arabe annonçant sa démission que sa santé ne « lui permet plus le niveau de stress » exigée par la mission d’émissaire de l’ONU en Libye. Une autre manière de reconnaître qu’il s’agit d’une mission impossible. Constat fait implicitement par cinq émissaires de l’Onu pour la Libye avant lui.
Ghassan Salamé, désigné en juin 2017 en remplacement de l’Allemand Martin Kobler, n’est en effet que le sixième émissaire de l’Onu à en faire le constat et à jeter l’éponge. Brillant universitaire ( il a été directeur de l’Ecole des affaires internationales de Sciences Po Paris) et ancien ministre de la culture libanais (2000-2003), Ghassan Salamé a eu largement le temps de constater que les divisions libyennes s’alimentaient d’un jeu de puissances particulièrement pernicieux.
Échec
La conférence de Berlin organisée le 19 janvier dernier a été l’illustration parfaite de la duplicité du jeu des puissances: on s’engage à respecter l’embargo sur les armes à destination de la Libye, mais on continue cependant à armer les protagonistes. « J’ai essayé d’unir les Libyens et de restreindre l’ingérence étrangère » a indiqué Salamé dans son annonce. Manifestement, c’est un échec.
Ses efforts ont reçu le coup de grâce après l’offensive contre Tripoli lancée par le maréchal Haftar soutenu par l’Egypte, les Emirats, la Russie et la France. C’était en avril dernier, à quelques jours d’une conférence inter-libyenne longuement préparée par l’ONU. « Nous avons travaillé pendant un an entier à la préparation de quelque chose qui n’a pas de précédent en Libye, c’est-à-dire une conférence nationale réunissant tout le monde (…) Et voilà que ces efforts partent en fumée », avait constaté l’émissaire onusien.
Plus personne n’accordait du sérieux à la mission de l’ONU en Libye et encore au Conseil de sécurité. Une mission officiellement décidée par l’ONU mais entravée par des membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Ghassan Salamé en a pris, tardivement, acte.