Henri Teissier, l’archevêque émérite d’Alger laissera son empreinte sur l’Eglise d’Algérie (Blog de Rachid Khettab) - Radio M

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Henri Teissier, l’archevêque émérite d’Alger laissera son empreinte sur l’Eglise d’Algérie (Blog de Rachid Khettab)

Radio M | 03/12/20 13:12

Henri Teissier, l’archevêque émérite d’Alger laissera son empreinte sur l’Eglise d’Algérie (Blog de Rachid Khettab)

Par Rachid Khettab, chercheur en histoire.

L’archevêque émérite d’Alger est décédé le mardi 1er décembre à Lyon suite d’un AVC. Il s’est éteint au service de réanimation de l’hôpital Édouard Herriot de cette ville.

Cela fait plus d’une année qu’il réside à Lyon où la pandémie en cours l’a obligé d’y rester. Il a essayé à maintes reprises de retourner en Algérie mais les conditions sanitaires l’ont empêché de retourner au pays. Il envisageait d’être présent en ce mois de décembre 2020 à Alger pour participer à la journée qui sera consacrée à la rencontre des « Amis des Glycines », que les responsables de cette structure envisageaient d’organiser.

Il aurait aimé certainement s’éteindre en Algérie qu’il aimait tant. Avec lui disparait un véritable monument de l’histoire de l’Algérie et de son Église qu’il participa à sa structuration après 1962. Il n’a jamais quitté le pays même dans les moments difficiles de la décennie sanglante.

Henri Tessier était très respecté et apprécié par tous. Son érudition et sa connaissance de la culture arabe a fait de lui un grand animateur du dialogue islamo-chrétien. Il a occupé la fonction de président de la Conférence épiscopale d’Afrique du Nord les années 80.s

Un engagement aux côtés des opprimés

Il arrive en Algérie après la Seconde Guerre mondiale ; il était proche du Père Scotto installé les années 50 à Hussein-Dey chez qui il effectuera un stage d’une année entre 1951 et 1952.

C’est chez ce prêtre un peu « différent » qu’il fait la connaissance des futurs Libéraux algérois issus en majeure partie de la nébuleuse « chrétienne progressiste » qui marquera plus tard les rapports entre la minorité européenne et la révolution algérienne.

Ce groupe de chrétiens envisageait à partir de 1954, avec l’avènement de Monseigneur Duval un rapprochement avec les Algériens contrairement aux tenants de l’ancienne direction. Durant ce stage, il réalisa une enquête sociologique sur les populations de la commune d’Hussein-Dey.

Henri Tessier fut ordonné prêtre pour le diocèse d’Alger, le 24 mars 1955, il est envoyé en 1956 par le Cardinal Duval en Egypte pour parachever ses études d’arabe et d’islamologie. Il revient du Moyen-Orient en 1958 et est affecté à l’église du Champ-Manœuvre (en face des Groupes Laïques).

Proche des libéraux, il servira de lien entre ce groupe constitué par des militantes et militants chrétiens très actifs dans l’action sociale, telle que les sœurs Gallice, Nelly Forget, Roseline Grech et Emma Serra. Après son retour d’Egypte, il était aux côtés du Cardinal Duval, dans son choix de justice, choix courageux et déchirant, qui allait à l’encontre des options de la grande partie de la communauté chrétienne d’Algérie de l’époque.

Le choix de l’Algérie

En 1962, il demeure en Algérie et travaille comme directeur des mouvements et des institutions du Diocèse d’Alger.

En 1966, il est chargé par le Cardinal Duval d’ouvrir le Centre d’études diocésain d’Alger qui est connu aujourd’hui sous le nom du Centre Diocésain des Glycines qui recèle un important fond documentaire et une bibliothèque mise à la portée des étudiants et des chercheurs.

Le 30 novembre 1972 à 43 ans, il est nommé par le pape Paul VI, Evêque d’Oran. Il reçoit la consécration épiscopale le 2 février 1973. Il est ensuite nommé, le 20 décembre 1980, archevêque coadjuteur du cardinal Duval à Alger. En 1988, le Cardinal Duval se retire et Henri Teissier devient archevêque d’Alger. Il est profondément attaché à l’Algérie dont il a obtenu la nationalité en 1966.

Esprit éclairé, jouissant d’une solide formation en arabe et en islamologie, il connait profondément son pays l’Algérie et ses hommes, jouissant d’une conscience élevée des rapports humains et d’un grand esprit de tolérance. Il participe activement et sans concessions ni complaisances aux débats sociaux et politiques que vit la société Algérienne.

Après son retrait de ses responsabilités ecclésiastiques, il se retira à Tlemcen et occupera la maison du père Alfred Berranguer, l’ancien représentant du Croissant Rouge Algérien en Amérique Latine durant la guerre de libération.

Avec sa disparition, une grande partie de la mémoire de la communauté chrétienne d’Algérie qui s’éteint.

Parmi les écrits d’Henri Tessier : Eglise en Islam : Méditation sur l’existence chrétienne en Algérie, Paris, Le Centurion, 1984. – Lettres d’Algérie, Paris, Bayard, Centurion, 1998 ; Histoire des chrétiens d’Afrique du Nord, Paris, les éditions Desclée, 1991.