Le Front contre la répression et pour les libertés, qui a tenu son assemblée constitutive le 5 mars 2022 à Alger vient de rendre publics les textes fondateurs de l’initiative. Il s’agit d’une proclamation et une charte. Voici le contenu intégral de la proclamation.
« Nous, citoyennes et citoyens, personnalités, militant(e)s politiques, associatifs, des droits des femmes, avocat(e)s , journalistes, universitaires, syndicalistes et activistes du hirak, parents de détenus politiques et d’opinion…., toutes et tous partisans des idéaux démocratiques de liberté, d’égalité, de justice et de souveraineté du peuple portés par la révolution de février 2019, réunis pour débattre de la situation alarmante des libertés et des atteintes récurrentes aux droits de l’homme, faisons le constat suivant :
• Témoins malheureux d’une justice aux ordres du pouvoir et d’une législation liberticide, plus de trois cent détenus politiques et d’opinion croupissent dans les prisons du régime. Ils sont condamnés à travers des parodies de procès, produits de montages honteux de dossiers sans fondements juridiques où les droits des victimes et de la défense sont bafoués. D’autres sont maintenu (e)s en détention sans jugement au moyen de renouvellements multiples de mandats de dépôt alors qu’ils présentent toutes les garanties de ne pas se soustraire à l’appareil judiciaire.
• La stratégie de la répression et de la terreur est un violent déni des libertés citoyennes, un des fondements essentiels de la démocratie, une violation des droits de la personne humaine et une remise en cause du pluralisme et du multipartisme reconnus par la législation en vigueur. Des milliers de citoyen (ne)s font l’objet d’harcèlements, d’intimidations et de poursuites judiciaires pour avoir exprimé une opinion, participé à une activité de protestation citoyenne pacifique ou simplement d’avoir exprimé leur solidarité envers des citoyens victimes de l’arbitraire d’Etat. Aujourd’hui, militant(e)s politiques, syndicaux, associatifs, journalistes, blogueurs et activistes du Hirak,peuplent les tribunaux de la Nouvelle Algérie.
• Les partis ou associations autonomes qui refusent de se conformer à la ligne générale édictée par le pouvoir autoritaire subissent des pressions incessantes et des représailles multiples, voire même des cabales judiciaires. Ils sont interdits de fait d’antennes dans les médias publics et même dans les médias privés asphyxiés et soumis au chantage par la publicité publique de l’ANEP. La presse est soumise à un contrôle d’un autre âge tandis que la justice réduite à un simple appareil est instrumentalisée pour le seul maintien du système et de ses privilégiés. L’ampleur de la répression, accentuée par l’usage arbitraire de la fallacieuse accusation du terrorisme contenue dans les articles 87 bis et 144 du code pénal amendé dans le but de faire taire toutes les voix discordantes. Cet abus législatif témoigne d’une volonté soutenue pour imposer une gouvernance aux antipodes des exigences de changement exprimées par des millions d’Algériennes et d’Algériens depuis près de trois ans.
• Au niveau socio-économique, des politiques anti-populaire sont menées au pas de charge à la faveur de cette répression implacable. Elles visent à affranchir brutalement et dangereusement l’Etat de son engagement social, en reniant ainsi un autre objectif de la révolution, celui de bâtir pour le pays un Etat social. Cette politique antisociale plonge des pans entiers de la population dans la paupérisation et la misère, en atteste le retour du tragique phénomène de harraga qui prend aujourd’hui des proportions gravissimes. Tout comme elle accentue la dilapidation des richesses du pays en faveur d’intérêts privés voire mafieux.
• Aujourd’hui, personne ne peut nier que les différents coups de forces électoraux organisés depuis le Hirak de février 2019, rejetés dans des proportions inédites depuis l’indépendance, ont servi au régime de programme de normalisation autoritaire. Cette voie autoritaire n’a pour objectif que la restructuration du même système politique, condamné par la gabegie systémique et rejeté par l’écrasante majorité du peuple algérien.
• Désormais, à l’instar de la justice, aucune institution n’échappe et ne doit échapper aux injonctions et au contrôle du régime. La dissolution de l’association des jeunes RAJ, les persécutions contre l’association SOS BEO et l’emprisonnement de son président, le gel des activités et la fermeture des locaux du PST, un parti démocratique, légal, pacifique et aussi ancien que le pluralisme politique, les menaces pesant sur d’autres organisations légales, à l’image de l’UCP , menacé de dissolution et la lourde condamnation du coordinateur du MDS, ainsi que le maintien en détention d’autres dirigeants politiques signent une volonté politique de promouvoir un totalitarisme par la terreur.
Cette tentative d’aller à contre sens de l’histoire est vaine. La soif de justice et les espérances pour l’avènement d’un Etat de droit, civil, social et démocratique, reposant sur les principes d’égalité et de liberté, demeurent vivaces au plus profond de la conscience des masses populaires. De par le contenu démocratique de ses revendications pour l’exercice de la souveraineté du peuple et l’avènement d’un système démocratique, de par les revendications démocratiques exprimées, la forte volonté du peuple algérien à recouvrir sa souveraineté et à édifier un Etat de droit, le Hirak national et pacifique acte un authentique mouvement révolutionnaire inscrit dans la durée, dont le triomphe historique ne laisse aucun doute.
Aucun Etat, ni société ne peut, en effet, fonctionner durablement et efficacement sans que les institutions politiques n’incarnent les idéaux et objectifs ancrés dans les convictions de leurs citoyens. Pour tout(e)s les patriotes, l’heure n’est pas aux lamentations ou au renoncement ; c’est le moment de défendre nos droits et libertés et d’assumer notre devoir à promouvoir la solidarité partout où nous sommes et par tous les moyens de la démocratie.
Le Front contre la répression, pour la libération des détenus d’opinion et le respect des libertés auquel nous appelons est une initiative de rassemblement et d’action de tou(te)s patriotes. Il est une riposte impérative et urgente pour stopper le rouleau compresseur de l’appareil répressif du pouvoir de fait contre toute forme d’organisation civique et de citoyenneté effective et autonome. Ce front se veut comme le cadre organisationnel favorisant les synergies indispensables de la solidarité agissante et des luttes démocratiques et sociales. En proclamant sa naissance, le front s’adresse à vos consciences et votre sens d’engagement citoyen.
Le Front vise à organiser un espace civique et citoyen large et ouvert en faveur d’un mouvement d’opinion et d’une mobilisation politique et pacifique en vue de réaliser ses objectifs à savoir; la cessation de la répression, la libération des détenus d’opinion et politiques, la réhabilitation des anciens détenu(e)s et le libre l’exercice des libertés démocratiques et la citoyenneté pleine et entière.
Le Front contre la répression, pour la libération des détenus d’opinion et le respect des libertés auquel nous appelons est une initiative de rassemblement et un impératif urgent. Il se veut comme la confluence concrète de toutes les luttes démocratiques et sociales pour créer les synergies indispensables dans le but de stopper ce rouleau compresseur policier et judiciaire contre toute forme de citoyenneté effective et pour établir définitivement, dans le pays, des conditions d’exercice de la politique et de la citoyenneté qui consacrent l’Etat de droit et la démocratie , garants de la souveraineté nationale .
Une coordination est installée avec la mission de l’élargissement du Front, de coordonner ses actions et élaborer un plan d’action sur la base des recommandations de l’assemblée constitutive du Front.
Alger, le 05 mars 2022
L’Assemblée constitutive Front contre la répression et pour les libertés ».