Les tunisiens et les turcs attendent les touristes algériens et font de la réclame pour les convaincre. Quid du tourisme algérien qui n’en finit pas d’attendre. Eclairage sur Radio M avec Said Boukhelifa, Président du Syndicat National des Agences de Voyages (SNAV), auteur d’un livre consacré à l’histoire du tourisme en Algérie.
Les estivants algériens qui choisissent la Tunisie comme destination dépassent chaque année les deux millions. Sans compter ceux qui partent au Maroc, en Egypte et surtout en Turquie. Et ils optent pour un rapport qualité prix nettement plus avantageux. L’ouverture de nos frontières à l’Est rend la Tunisie encore plus attractive et abordable. Surtout pour des hôtels de une à trois étoiles, quand ce n’est pas la formule « chez l’habitant » qui est choisie. L’invité de Radio M t en relief l’existence d’une « culture d’accueil du touriste » qui n’existe pas chez nous, sauf dans le grand Sud.
C’est pour accueillir ce nombre impressionnant que la Tunisie a annoncé l’ouverture de toutes ses frontières dès le 27 juin, pour ne pas perdre la saison estivale. Les autorités tunisiennes ont diffusé à grande échelle leur plan pour rassurer leurs futurs touristes, Algériens et d’autres nationalités, sur leur capacité à les accueillir avec le respect total des règles de sécurité sanitaire.La Turquie, la deuxième destination prisée par les algériens, se prépare également à l’ouverture de ses frontières et à l’accueil de ses touristes.
Les experts et professionnels algériens du secteur du tourisme travaillent sur un plan. Il reste qu’aucune date n’est encore disponible pour l’ouverture des frontières, ni pour le déconfinement d’ailleurs. Mr Boukhelifa ne pense pas que les autorités algériennes refuseraient de laisser les citoyens algériens, qui le pourront, d’aller changer d’air après plus de trois mois de confinement. Surtout dans la Tunisie voisine, sans visa et sans contrainte du transport aérien.
Le secteur du Tourisme aurait besoin d’un véritable Plan Marshall
La crise sanitaire du Coronavirus a eu, partout dans le monde, l’effet d’un véritable Tsunami pour le secteur du tourisme et pour les opérateurs économiques qui y travaillent. Mais la situation de ce secteur en Algérie serait plus préoccupante selon l’invité de Radio M, en raison de l’absence de réaction des autorités en charge de ce secteur.
Déjà dans une situation sinistrée depuis plusieurs années, la crise sanitaire – et le confinement – s’est traduite par la fermeture pure et simple de l’ensemble des agences de voyages et aucune indemnisation n’a été pour l’instant annoncée. Des milliers de pères de famille se sont retrouvés du jour au lendemain sans revenus. L’Algérie compte plus de 3500 agences de voyage.
Le secteur aurait besoin d’un véritable Plan Marshall, pour espérer voir un jour ce secteur jouer son rôle moteur de développement. Au lieu de s’améliorer, la situation ne fait que s’empirer. Ancien du secteur touristique, Mr Boukhelifa estime que l’Algérie touristique du télex des années 70 était plus en avance que celle d’aujourd’hui.
Mr Boukhelifa pense que l’intention annoncée après le conseil des ministres du début Mars consacré au tourisme de faire de l’Algérie une destination mondiale est très ambitieuse. Lui reste sceptique. Il cite le budget du ministère du tourisme, dérisoire et en baisse depuis plusieurs années. Il est 74 fois inférieur à celui des moudjahidines. Les Directions de Tourisme des wilayas disposent souvent d’un seul véhicule, utilisé par le directeur. Leurs inspecteurs utilisent les transports publics pour faire leur travail. Ces directions ne disposent même pas d’un site internet mentionnant les ressources touristiques disponibles sur leur territoire, les lieux d’hébergement, leurs tarifs. Telle est la réalité de la relégation du secteur du tourisme.
Oublier le tourisme Balnéaire, développer le tourisme Culturel et d’Expédition
Pour lui l’Algérie a des atouts indéniables. Mais ces atouts sont un don du ciel. Pour Mr Boukhelifa, il faut oublier le tourisme balnéaire. Les grandes destinations dans le monde ont pris une avance considérable sur notre pays, à commencer par nos voisins, le Maroc et la Tunisie. Pour l’invité, « nos plages sont répugnantes ». Notre dernier touriste balnéaire est italien et a séjourné à la « Corne d’Or » de Tipaza en 1990. Depuis, nous n’avons réussi à attirer aucun groupe de touristes. La capacité en lits est dérisoire comparée à la demande. L’Algérie ne dispose, selonl’invité, que de 60 milles lits, soit 240 milles nuitées à commercialiser sur la base d’un séjour d’une semaine. Les hôteliers balnéaires en Algérie refusent le double de leur capacité en lits. Alors qu’ils n’ont aucune attractivité, ni en services et encore moins en tarifs.
Le Président du SNAV estime que l’Algérie doit cibler les autres segments du tourisme mondial. Il cite l’exemple du tourisme culturel. L’Algérie avec ses 22 sites romains, dont seulement trois sont connus (Tipaza, El Djemila, Timgad) a tout intérêt à développer ce segment haut de gamme. L’autre créneau est celui du tourisme d’expédition. Le Hoggar et le Tassili représentent ce qu’il y’a de plus beau dans le monde. Et la culture du tourisme est bien ancrée dans la mentalité des populations de ces régions.
Pour conclure, l’invité de l’émission pense que la jeunesse algérienne, avec sa culture numérique, est capable de relever le défi du développement des segments touristiques dans lesquels l’Algérie dispose d’avantages comparatifs certains. Mais, dirons nous, en application du plan Marshall, pour ce secteur et tous les autres.