Le climat tendu entre Alger et Paris a connu un signe d’apaisement mardi lorsque le président Abdelmadjid Tebboune a reçu le maire de Marseille, Benoit Payan, pour sa première visite officielle à l’étranger. Cette rencontre “conviviale”, selon les termes de M. Payan, intervient dans un contexte de crises diplomatiques récurrentes entre les deux pays.
La dernière en date remonte à février 2023, lorsque l’Algérie a rappelé “pour consultations” son ambassadeur à Paris après l’intervention de la France pour permettre à l’opposante franco-algérienne Amira Bouraoui d’éviter son extradition depuis la Tunisie. Alger a dénoncé “l’exfiltration clandestine et illégale” de la ressortissante, parlant de “violation de la souveraineté nationale”.
Cette nouvelle crise a une nouvelle fois remis en cause la visite d’État de Tebboune en France, initialement prévue pour mai 2023 puis repoussée à fin septembre ou début octobre 2024, avant d’être finalement reportée après les élections présidentielles algériennes anticipées du 7 septembre prochain, que le chef de l’État pourrait briguer.
Ces soubresauts s’inscrivent dans un cycle de tensions récurrentes entre les deux pays sur diverses questions sensibles, notamment mémorielles liées à la colonisation française. Malgré cela, Paris et Alger tentent de maintenir un “partenariat renouvelé” global, notamment économique, énergétique et sécuritaire, tout en défendant leurs intérêts souverains.
La visite du maire de Marseille revêt ainsi une symbolique particulière. Benoit Payan a tenu à réserver sa première destination internationale à l’Algérie, soulignant “l’importance” des liens séculaires entre les deux rives de la Méditerranée.
Après son entrevue avec Tebboune, décrit comme un “homme fier” portant “une vision formidable” pour son pays, M. Payan s’est voulu optimiste sur les perspectives de coopération bilatérale. “La rencontre était conviviale”, a insisté l’édile marseillais, laissant augurer un climat propice à l’apaisement des tensions diplomatiques.
Propos controversés et mesures de rétorsion, l’escalade de la crise
Les origines de cette détérioration remontent au 28 septembre 2021, lorsque la France a annoncé un durcissement des conditions d’obtention de visas pour les ressortissants algériens, marocains et tunisiens. Une décision “drastique” et “inédite” justifiée par le fait que ces pays refusaient de reprendre leurs ressortissants faisant l’objet d’obligations de quitter le territoire français.
Mais la véritable escalade est survenue quelques jours plus tard, après les propos controversés d’Emmanuel Macron rapportés par Le Monde le 2 octobre. Le président français aurait affirmé que l’Algérie s’était construite sur “une rente mémorielle” entretenue par “le système politico-militaire”, remettant en cause l’existence même de la nation algérienne avant la colonisation.
Ces déclarations ont provoqué l’ire d’Alger, qui a dénoncé des “propos irresponsables” et décidé dans la foulée le “rappel immédiat pour consultation” de son ambassadeur à Paris. Une sanction symbolique, mais suivie d’une mesure plus lourde : l’interdiction du survol de son territoire aux avions militaires français engagés au Sahel.
Malgré les appels d’Emmanuel Macron à “l’apaisement”, le président Tebboune a exigé “un respect total de l’État algérien”. Il a également accusé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin d’avoir “bâti un gros mensonge” sur le nombre d’immigrés clandestins algériens que la France aurait tenté d’expulser, atteignant un nouveau pic dans cette crise sans précédent.
Cette série de propos controversés et de mesures de rétorsion des deux côtés a ainsi mené à une escalade sans précédent de la crise diplomatique entre l’Algérie et la France, atteignant un pic de tensions rarement observé par le passé entre les deux pays.