Hormis son côté un peu martial et raide, le communiqué de la Direction de la presse et de la communication de la Présidence de la République rappelant que “l’information officielle” de l’institution est diffusée via des communiqués par le canal de l’agence de presse “APS” prête-il à controverse?
Certains journalistes y ont vu une atteinte à la liberté de la presse, sans apporter cependant des éléments probants. L’état de la presse algérienne n’a rien de reluisant, la pression du pouvoir est déjà grande. Elle s’est encore accentuée depuis que les médias audiovisuels privés et publics sont totalement asservis à un seul son de cloche et utilisés comme moyens de propagande contre le Hirak. Le communiqué de la direction Presse et Communication de la Présidence n’ajoute rien dans ce domaine, il énonce une banalité: l’information “officielle” de la Présidence est donnée via des communiqués diffusé par l’agence APS.
C’est sans doute le ton cassant du communiqué précisant que “toute information rapportée en dehors de ce canal est à classer dans la case de la propagande et la désinformation” qui suscite certaines réactions inquiètes. La direction de la presse aurait pu en effet y mettre plus de forme mais cela n’enlève rien au fait que le sujet parle de « l’information officielle ”c’est à dire très couramment pour la présidence: des nominations, des limogeages, des déplacements, des audiences etc…
Un retour à une vieille règle
C’est un retour carré à la vieille règle où la communication officielle de la présidence passe par des communiqués diffusés via l’agence APS, ce qui en permet l’accès général. On peut supposer que ce retour annoncé de manière sèche traduit une méfiance à l’égard des pratiques qui se sont répandues dans les médias durant l’état d’incapacité de Bouteflika. Depuis au moins 2013, les annonces (limogeages, désignations, disgrâces etc…) passaient par le canal d’Ennahar, média (ou arme) privilégié par Saïd Bouteflika, avant d’être officialisées a-posteriori. Une situation anormale qui accentuait clairement la dérive informelle de la gouvernance Bouteflika et faisait des médias à “scoops” des instruments dans des batailles claniques.
Abdelmadjid Tebboune, qui n’avait pas de “problèmes” avec Ennahar en tant que ministre, a fait l’expérience, à ses dépens, en tant que Premier ministre de cet usage du canal officieux qu’est devenue Ennahar TV. La chaîne a eu le “privilège” – et ce n’était pas le premier- d’annoncer, au lendemain la scène humiliante ultra-médiatisée du cimetière entre Ali Haddad et Saïd Bouteflika, que l’ancien président l’avait “sévèrement recadré” à propos des mesures prises contre les hommes d’affaires et les importateurs. La communication officieuse via Ennahar a servi de préparation à la décision “officielle” du limogeage de Tebboune, le 15 août 2017.
Le communiqué de la Direction Presse et Communication de la Presse, n’ajoute pas aux entraves, autrement plus lourdes et plus structurelles à la liberté de la presse en Algérie. Les médias algériens sont déjà sous contrôle ou sous pression et la naissance du mouvement des Journalistes Algériens Unis (JAU) répond à cette dégradation de la pratique du métier. La seule chose à tirer du communiqué de la direction de la communication de la Présidence est qu’il laisse entendre que l’ère des médias privilégiés, porte-voix informels du pouvoir, est terminée.
Le ton est volontairement cassant – durant la campagne électorale il était déjà vif entre l’équipe Tebboune et Ennahar- contre les médias qui prétendent avoir des scoops “dans le but de faire accroire à l’opinion publique à une proximité de la source d’information sans respect des lois de la République et des règles de la déontologie…”. Il n’est pas interdit de penser que c’est, même si cela n’est pas son objectif premier, le portrait du journalisme pratiqué par les médias offshore liés à Saïd Bouteflika qui est ainsi dessiné.