Dans son premier film documentaire, Lina Soualem reconstitue la chaîne de la mémoire de ses grands-parents en valorisant leurs moments les plus silencieux.
« Je suis algéro-franco-palestinienne. Si je dis que je suis l’une d’elles seulement c’est comme effacer tout le reste », c’est ainsi que Lina Soualem se définit, elle qui est née de père franco-algérien et de mère palestinienne.
« Leur Algérie » est un documentaire émouvant où se manifeste l’envie de la jeune réalisatrice de connaitre son histoire, d’affirmer son identité et de trouver sa place. Il questionne l’exil des grands-parents mais aussi la fracture identitaire, liée au silence sur l’histoire et la mémoire franco-algérienne, chez les enfants et petits-enfants d’émigrés.
Les grands-parents de Lina se séparent après 62 ans de mariage. Ils ont quitté l’Algérie pendant la colonisation française et ne sont plus jamais revenus. La réalisatrice, leur petite-fille, nous livre un document familial et une histoire singulière.
Lina Soualem, sa grand-mère et son père La famille Soualem
La jeune réalisatrice construit son documentaire à partir d’archives familiales réalisées par son père, qui lui aussi ignore l’histoire de l’Algérie. Elle n’hésite pas à interroger ses grands-parents, parfois sur les questions les plus intimes. Si le grand-père préfère garder le silence, la grand-mère, elle, dissimule sa douleur du déracinement derrière des éclats de rire.
Le silence se traduit dans les relations que les personnages nouent entre eux. Mais ce silence est aussi doublement institutionnel du côté français autant qu’algérien :
« C’était difficile en grandissant de trouver sa place et de s’ancrer à la fois dans la société française et de définir son rapport avec les origines de mes grands-parents surtout dans le cas de l’Algérie, puisque comme ils ne transmettaient pas leur histoire, il y avait un énorme silence et un manque de mémoire, et à la fois du coté officiel, c’est-à-dire l’histoire du roman national français, cette histoire était absente », explique Lina Soualem.
« Du côté palestinien, la transmission de nos histoires est très présente, c’est par l’histoire et par les mots que l’histoire survit, donc il y avait toujours ce contraste dans le côté algérien et le côté palestinien », ajoute-elle.
Lina Soualem fait partie de cette génération de petits-enfants d’émigrés qui questionnent la mémoire et l’identité ainsi que leurs rapports à l’espace : « On essaie de trouver notre place, et j’ai l’impression qu’avec le film j’ai pu m’emparer de cet espace intermédiaire et le vivre pleinement sans me sentir que j’ai un pied de chaque côté »
Sortie en 2020 et d’une durée de 72 minutes, Leur Algérie, est une coproduction algéro-française. Il a été primé au 32e Festival du film arabe de Fameck (Est de la France) en octobre 2021.
Il sera projeté en salle à Alger du 9 au 16 décembre 2021, avant d’être projeté par la suite dans le reste des villes algériennes.