Le projet de loi relative à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine sera bientôt débattu à l’APN, chambre basse du Parlement. Voici ce que prévoit ce texte de loi. D’abord les définitions.
1- « Discours de haine » : toutes formes d’expression qui propagent, encouragent ou justifient la discrimination ainsi que celles qui expriment le mépris, l’humiliation, l’hostilité, la détestation ou la violence envers une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur sexe, race, couleur, ascendance, origine nationale ou ethnique, langue, appartenance géographique ou état de santé.
2- « Discrimination » : toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur le sexe, la race, la couleur, l’ascendance, l’origine nationale ou ethnique, la langue, l’appartenance géographique, le handicap ou l’état de santé, qui a pour but ou pour effet d’entraver ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, dans des conditions d’égalité, des droits de l’Homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel et dans tout autre domaine de la vie publique .
3- « Formes d’expression » : paroles, écrits, dessins, signes, photographies, chants, comédies ou toute autre forme d’expression, quel que soit le support utilisé.
Ensuite, le contenu. Les dispositions de la loi ne s’appliquent dans le cas, entre autres, où l’appartenance à l’un ou l’autre sexe constitue, « conformément à législation en vigueur », la condition fondamentale de l’exercice de l’emploi ou d’une activité professionnelle. Idem pour la nationalité lorsqu’elle constitue une condition pour le recrutement, conformément à la législation en vigueur. L’article 4 stipule que la liberté d’opinion ou d’expression ne peut être invoquée pour justifier la discrimination et le discours de haine. La loi prévoit que l’Etat élabore « une stratégie nationale de prévention de la discrimination et du discours de haine en vue de la moralisation de la vie publique, la diffusion de la culture de la tolérance et du dialogue et l’éradication de la violence dans la société ». La société civile et le secteur privé sont associés à l’élaboration et la mise œuvre de cette stratégie. Selon l’article 9, un Observatoire national de la prévention de la discrimination et du discours de haine sera crée, mis sous l’autorité du président de la République. Ses membres sont désignés pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois. Six membres sont désignés par le chef de l’Etat « parmi les compétences nationales », quatre par les associations, les autres représentent les institutions comme le Haut Commissariat à l’Amazighité et le Conseil supérieur de la langue arabe. L’Observatoire, qui comprend aussi des représentants d’une quinzaine de ministères à titre d’observateurs, remet chaque année, un rapport au président de la République. « L’Etat garantit aux victimes des infractions prévues par la présente loi, la prise en charge médicale, psychologique et sociale qui leur assure la sécurité, la sûreté, l’intégrité physique et psychologique et la dignité », est-il souligné dans l’article 16. L’accès à la justice est également facilité par l’Etat. D’après l’article 20, toute personne qui prétend être victime « d’une atteinte à un droit prévu par la présente loi » peut demander au juge des référés de la juridiction du lieu de son domicile, « toute mesure conservatoire tendant à faire cesser cette atteinte, sous astreinte journalière ».
« Le géolocalisation » autorisée lors des enquêtes
A l’occasion d’une enquête, les juridictions peuvent ordonner, selon l’article 22, aux fournisseurs de service ou à toute autre personne de lui « communiquer toutes informations ou données y afférentes, stockées par l’utilisation d’un moyen des technologies de l’information et de la communication, sous peine des sanctions prévues par la loi ». « La juridiction compétente peut, le cas échéant, ordonner aux fournisseurs de services, la saisie immédiate des données relatives au contenu et ou au trafic se rapportant aux infractions prévues par la présente loi, conformément aux modalités fixées par la législation en vigueur », est-il précisé dans l’article 23. La justice peut également exiger le retrait des contenus incriminés, les stocker ou les rendre inaccessibles. L’article 26 stipule que sous réserve des dispositions du code de procédure pénale, le procureur de la République ou le juge d’instruction, après information du procureur de la République, peut « autoriser, sous son contrôle, l’officier de police judiciaire, à recourir à l’infiltration électronique d’un ou plusieurs systèmes d’information ou de communication électronique, afin de surveiller les personnes soupçonnées d’avoir commis l’une des infractions prévues par la présente loi, en leur faisant croire qu’il en est un membre actif ou complice ». « Il est interdit à l’officier de police judiciaire, sous quelque forme que ce soit et sous peine de nullité de la procédure, tout acte ou tout comportement qui incite les suspects à commettre l’infraction pour collecter des preuves contre eux », est-il ajouté. Le procureur de la République et le juge d’instruction peut autoriser, selon l’article 27, l’officier de police judiciaire, « lorsqu’il y a des motifs qui laissent croire l’éventuelle commission d’une infraction prévue par la présente loi, à procéder à la géolocalisation de la personne soupçonnée, du prévenu, du moyen de la commission de l’infraction ou de tout autre objet ayant à l’infraction, en utilisant tout moyen technologique d’information ou de communication ou en mettant en place un dispositif technique conçu spécialement à cette fin ».
Le discours de la haine est passible d’une peine d’emprisonnement de trois à sept ans et d’une amende de 300 à 700.000 dinars, s’il comprend l’appel à la violence (article 32). L’apologie, l’encouragement ou le financement des activités, des associations, des organisations ou des groupes qui « appellent à la discrimination et à la haine » sont punis de deux à cinq ans d’emprisonnement d’une amende de 500.000 à 1 millions de dinars (article 33). « Sans préjudice des peines plus graves, est puni d’un emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 5 à 10 millions de dinars, quiconque crée, administre ou supervise un site ou un compte électronique pour y publier des renseignement pour la promotion d’un programme, d’idées, d’informations, dessins ou photos susceptibles de provoquer la discrimination et la haine dans la société », est-il prévu dans l’article 34. L’article a retenu l’emprisonnement de deux à cinq ans et une amende de 200.000 à 500.000 pour quiconque « produit, fabrique, vend, propose à la vente ou à la circulation des produits, des marchandises, des imprimés, des enregistrements, des films, des cassettes, des disques ou des programmes informatiques ou tout autre moyen portant toute forme de discours pouvant provoquer la commission des infractions prévues par la présente loi ». En cas de récidive, les peines sont doublées.