Politologue et professeure à l’université Alger 3, Louisa Dris-Aït Hamadouche évoque dans cet entretien les enjeux entourant la tenue du sommet arabe prévu le 1er novembre prochain à Alger, particulièrement pour les dirigeants algériens. Elle évoque également l’impact de l’absence de l’Arabie Saoudite, un poids lourd sur la scène arabe.
Propos recueillis par : Lynda Abbou
Radio M : Dans quelques jours se tiendra le sommet arabe à Alger. Compte tenu des divergences qui minent la ligue arabe, quelles sont, selon vous, les chances de sa réussite ?
Louisa Dris-Aït Hamadouche : La réussite du sommet arabe dépend plus des objectifs qui lui sont préalablement assignés que des divergences qui la minent. Pour l’Algérie, pays organisateur pour la 4ème fois en 60 ans, le seul fait que ce sommet se tienne est en soit une réussite. Il permet aux dirigeants algériens d’alimenter leur campagne de communication sur le retour de la diplomatie algérienne sur la scène régionale. Un retour nécessaire après qu’elle ait quasiment disparu durant les deux derniers mandats de feu Abdelaziz Bouteflika. Le niveau des délégations qui feront le déplacement pourra conforter ou affaiblir cette réussite symbolique. Sur les autres plans, il faut rappeler que le sommet en lui-même est une formalité qui vient parachever ce que les délégations ministérielles auront préalablement mis en forme. Le secrétaire général Ahmed Aboul Gheit a même parlé d’un sommet dans une « ambiance festive ». C’est la raison pour laquelle il semble que tous les dossiers qui sont au centre de divergences profondes ont été préalablement évacués. Il ne sera donc pas question de la Syrie, du Sahara occidental, du Yémen, de la Libye, mais de coopération arabe, d’action commune arabe, sans toutefois donner à ces déclarations de bonnes intentions un contenu pratique, un calendrier précis et un suivi rigoureux.
La normalisation de certains pays arabes avec l’entité sioniste ne risque-t-elle pas de faire capoter les résultats attendus de ce sommet?
La question de la normalisation est laissée à la discrétion des Etats membres qui restent souverains. La Ligue des Etats arabes est une instance intergouvernementale où les décisions se prennent par consensus ou ne se prennent pas. Sur le dossier palestinien, le dernier consensus est le plan de Riad, la terre contre la paix qui remonte à 2002. Depuis, les choses ont évolué avec plus de dispersions, de fragmentations et de divergences. L’espace arabe est fractionné par plusieurs sous-espaces de coopération informelle ou formelle dans certains desquels Israël est partie prenante. Le Dialogue méditerranéen de l’Otan, le processus d’Istanbul, les accords d’Abrahm sont autant de manifestations concrètes montrant que la question de la normalisation a définitivement divisé le monde arabe dont une partie ne le considère plus comme une ligne rouge. Quant au processus amorcé à Alger, il va dans le sens de l’unification de toutes les factions palestiniennes sous l’autorité unique de l’OLP. Si cet accord est effectivement appliqué, cela signifiera que tous les Palestiniens renoncent à la résistance armée et prennent part au processus de négociation.
L’absence de l’Arabie Saoudite risque-elle d’impacter le sommet ? Peut-on s’attendre à d’autres défections ?
Il s’agit effectivement d’une défection de poids, sans toutefois menacer la tenue du sommet. Quant à savoir s’il y aura d’autres défections, il est impossible de le dire ! En théorie, si la maladie dont souffre le prince héritier n’est pas contagieuse, cette annonce n’aura pas d’impact direct.