La célèbre romancière algérienne Maïssa Bey vient de signer une lettre appelant à la grâce présidentielle en faveur du journaliste emprisonné Ihsane El Kadi. Un geste rare de la part de l’écrivaine engagée. « Je signe très peu. Je pense n’en avoir pratiquement pas signé, peut-être une ou deux, mais je ne me souviens pas », confie-t-elle.
Pourtant, le ton « mesuré » et la « dignité » de la requête, portée par l’épouse et la fille de Ihsane El Kadi, l’ont convaincue. « J’ai trouvé que c’était une lettre très digne (…) », argue l’intellectuelle.
Incarnation littéraire de la cause féministe, Maïssa Bey poursuit son combat à travers cette signature. Son œuvre décrit la réalité de la femme algérienne, prise « en proie dans ces conditions et des contraintes objectives d’un quotidien en Algérie ». Sa plume militants dénonce les oppressions et les injustices. Elle se veut la « porte-parole » de ces Algériennes qui lui ont donné la légitimité de raconter leurs situations complexes, faites de « violence » et de « soumission ».
En défendant Ihsane El Kadi, nul doute donc que Bey ait retrouvé les accents de ses personnages. Ce père et journaliste incarcéré n’est-il pas, lui aussi, réduit au silence par le pouvoir ? « C’est important de considérer toutes ces personnes comme des êtres humains à part entière, avant toute autre considération », rappelle-t-elle. Quitte à être une des rares à le faire aussi publiquement.
Peu importe, « j’assume cela totalement », tranche la romancière, d’où sa signature aux côtés d’une trentaine de personnalités algériennes telles que Yasmina Khadra ou la révolutionnaire Louiza Ighilahriz d’une lettre adressée au Président Abdelmadjid Tebboune réclamant la libération du journaliste emprisonné depuis plus d’un an.
En effet, Ihsane El Kadi a été condamné en appel à 7 ans de prison, dont 5 ferme, après avoir été arbitrairement accusé de « perception de fonds en vue de faire de la propagande politique et de porter atteinte aux institutions de l’État ».
Face à cette lourde peine, de nombreuses voix se sont élevées en Algérie et à l’international pour interpeller le président Tebboune. Certains appels lui demandent d’user de son pouvoir de grâce présidentielle, seule issue possible désormais après l’échec des recours légaux.
Des organisations de défense des droits de l’homme comme Reporters Sans Frontières et Amnesty International ont également lancé des « appels solennels » auprès des autorités algériennes pour obtenir sa libération.
À l’international, la pression se fait de plus en plus forte. Déjà en mai 2023, une tribune publiée dans Le Monde et signée par 10 intellectuels de renom tels que Noam Chomsky ou Annie Ernaux, prix Nobel de littérature 2022, demandait au président algérien de libérer le journaliste emprisonné depuis le 29 décembre 2022.