Le Coronavirus s’est propagé dans le monde dans le sens des flux de marchandises, a constaté ce mardi 7 avril le professeur en économie Mohamed Chérif Belmihoub. « Les marchandises vont de Chine vers l’Europe et les Etats Unis. Le virus s’est déplacé dans le même sens. Il y a donc une mondialisation des maladies. L’économie est mondialisée, mais il y a des gouvernances locales, territorialisées. Sur le plan politique, il n’y a pas de mondialisation. Nous allons voir les conséquences de cette situation pour ce qui est de l’Europe », a-t-il déclaré à la chaîne 3 de la radio nationale. Selon lui, le capitalisme financier a pris ses distances avec le capitalisme industriel. Le premier se développe plus que le deuxième. Les chaines de production sont, selon lui, éclatées, distribuées sur plusieurs continents et marchés. « Donc, aucune gouvernance politique nationale ne contrôle l’ensemble du processus. D’où la crise actuelle. Il y a un retour vers l’Etat-nation, le nationalisme et le souverainisme dans certains pays, constaté à l’occasion de cette pandémie. Ce nationalisme peut conduire à de nouvelles violences et les plus puissants vont essayer d’exercer leur hégémonie », a-t-il averti. Il a prévu que les Etats Unis réintègrent leurs industries manufacturières. La force de l’Inde, du Brésil, du Japon, de la Chine et de la Corée du Sud est, selon lui, d’avoir garder leurs industries et d’être moins dépendants des bourses.
« Le retour de l’Etat peut être un point d’espoir »
Parlant des pays émergents et de l’Afrique, il a estimé que l’urgence est d’avoir un Etat fort capable d’anticiper et d’avoir une vision stratégique. « Nous avons besoin d’Etats capables de gérer la nouvelle économie qui sera plus complexe, violente. Le retour de l’Etat peut être un point d’espoir pour beaucoup de pays de construire de nouvelles économies. Aujourd’hui, le Etats sont fragilisés par les marchés mondiaux. Pour sortir de la crise, les Etats doivent récupérer la régulation de leurs économies et dépendre moins des marchés internationaux, sinon, il faut une gouvernance politique internationale. On peut rester dans la situation actuelle avec une politique locale et une économie mondialisée », a-t-il dit. L’Etat-nation doit, selon lui, être bureaucratique et centralisé. Il a rappelé que le capitalisme, pour se développer, devait aller au-delà des frontières nationales. Il a pu remonter les crises grâce à l’économie mondialisée. Selon lui, le capitalisme mondial se renouvelle après chaque crise. « La crise d’aujourd’hui n’était pas prévue en 2008 ou en 2014. La crise actuelle est sanitaire. Dans ce cas, chaque pays s’occupe de ses citoyens d’une manière prioritaire. On s’est rendu compte qu’on est démunis, pas le pouvoir de fournir tous les produits d’hygiène et les médicaments parcque ces produits se trorvent dans d’autres pays. Pour certains Etats, l’économie leur échappait dans beaucoup de ségments(…) Il faut garder l’espoir que cette crise sera l’occasion d’une transformation des rapports internationaux sur le plan économique », a-t-il souhaité. Le numérique va, d’après lui, rétablir le lien de confiance entre le capital financier et le capital industriel.
« Lorsqu’il est duopolistique, le marché pétrolier devient dangereux »
Il a expliqué que la perturbation du marché pétrolier est antérieure à la crise sanitaire. « Le marché pétrolier connait des situations cycliques. Tous les dix ans, il ya une crise. Ce qui est grave est que la consommation a beaucoup baissé alors que l’offre est excendentaire. La Russie, par exemple, a besoin d’un pétrole à 40 dollars. Là, elle se retrouve dans une situation difficile, compense les pertes dues aux prix, par des quantités supplémentaires mises sur le marché. L’Arabie saoudite a réagi de la même facon. Il y a un duopole qui peut conduire à la destruction de la valeur(…) Lorsqu’il est duopolistique, le marché pétrolier devient dangereux surtout dans une situation où la croissance de la demande est faible. J’espère qu’on va sortir de ce duel Russie-Arabie Saoudite le plutôt possible. L’Algérie est dans une situation fragile. C’est un petit producteur qui dépend d’une façon structurelle de ce marché puisque l’économie n’est pas diversifiée », a analysé Mohamed Chérif Belmihoub. « L’Algérie doit totalement faire sortir les hydrocarbures de sa logique de développement. Il faut faire en sorte que le pétrole ne soit plus le levier de la croissance. Si on ne comprend pas les enjeux, il ne sert à rien de légiférer ou de produire des lois. Avec 42 millions d’habitants, le marché intérieur est déjà viable. Nous avons des infrastructures, une position géopolitique intéressante, nous pouvons construire une économie nationale « , a-t-il plaidé. L’Algérie peut, d’après lui, devenir un acteur régional important en matière économique.