En dépit d’un bilan mitigé, les autorités algériennes ont décidé de passer à la vitesse supérieure en matière de numérisation. Le président Tebboune a ainsi sommé d’accélérer le processus lors du dernier Conseil des ministres, appelant à initier la phase 2 quand bien même la phase 1 n’a pas encore porté ses fruits.
Alors que le rapport d’étape sur l’avancement de la numérisation présenté par la Haut-commissaire fait état de progrès, l’analyse démontre que ceux-ci sont ténus au regard des défis titanesques à relever pour sortir l’administration algérienne de l’ère du papier.
Avec une pointe d’humour, un internaute résume la situation absurde : « On s’inscrit à distance, puis on doit imprimer un récépissé attestant de cette inscription dématérialisée, avant de se rendre physiquement à l’administration avec ce sésame pour certifier que l’on est bien celui qui s’est connecté ! Et il arrive même qu’on vous réclame des photocopies dudit récépissé électronique, pour agrémenter un hypothétique dossier papier ! »
Cette anecdote illustre parfaitement les pesanteurs bureaucratiques qui freinent le processus de numérisation. En atteste aussi la multiplicité des structures dédiées à la numérisation qui témoigne d’un manque de coordination criant. « Comment mener à bien un tel projet d’envergure avec une myriade d’intervenants aux missions qui se chevauchent ? », s’interrogent les experts.
Surtout, les programmes mis en œuvre se heurtent à l’obstacle majeur de la fracture numérique et du déficit de compétences dans une large frange de la population. Difficile dans ces conditions de convertir citoyens et apparatchiks aux outils informatiques et de garantir l’adhésion aux initiatives de l’exécutif.
Aussi, certains analystes n’hésitent plus à pointer « la fébrilité du pouvoir » à vouloir coûte que coûte « afficher des résultats rapides afin de répondre à la demande sociale ». Quitte à brûler les étapes d’un processus qui nécessite consolidation et pédagogie avant d’envisager une quelconque montée en puissance.
Gageons que les autorités sauront tirer les enseignements de cet accouchement difficile avant de se lancer tête baissée dans la phase 2. Sous peine de transformer la numérisation en véritable processus de Sisyphe, cette figure de la mythologie grecque condamnée à recommencer éternellement la même tâche.