Récit d'un rapatriement cauchemardesque Djeddah-Annaba - Radio M

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Récit d’un rapatriement cauchemardesque Djeddah-Annaba

Rédaction | 25/07/20 13:07

Récit d’un rapatriement cauchemardesque Djeddah-Annaba

L’opération rapatriement des Algériens bloqués à l’étranger a commencé, mais tout n’est pas aussi rose que ne le laisse entrevoir les médias lourds. Des témoignages fusent sur la toile, d’Algériens rapatriés et mis en quarantaine. Déjà les premiers couacs ? Bien pire, le témoignage d’Ania ne laisse aucun doute sur le degré d’incompétence et/ou d’inconscience des personnes en charge de cette opération. Voici son récit:

Tout ce qui est dit sur le rapatriement des Algériens est faux ! Je me sens dans l’obligation morale de raconter ce qui m’est arrivé pour que les prochain.e.s rapatrié.e.s aient un retour d’expérience. D’emblée, si vous pouvez éviter le rapatriement, ÉVITEZ-LE ! Ne faites pas mon erreur.

Je contextualise : deux camarades et moi-même ; avons été bloqués à Jeddah pendant 5 mois. Nous étions venus pour notre stage de PFE (Projet de Fin d’études) puis, covid a frappé.

Hier, enfin, nous avons pris le vol de rapatriement Jeddah – Annaba. Inutile de rappeler les deux jours de galère pour acheter les billets. On commence direct à l’enregistrement qui est fait par le personnel de l’aeroport de Jeddah, même sur les boarding pass il ya écrit « SGC » pas Air Algérie, donc aucun contrôle des bagages.

Les Saoudiens en avaient clairement marre des Algériens. Ils ne contrôlaient rien, pourvu qu’on s’en aille le plus vite possible, et ils le disaient haut et fort. L’enregistrement est organisé « relativement bien » car les Saoudiens s’en chargent.

Et débute la galère !

C’est à l’embarquement que commencent les problèmes. Toujours, aucun personnel d’Air Algérie, les Saoudiens essaient de « calmer » notre beau peuple tant bien que mal, mais rien n’y fait, ils ne veulent pas respecter les consignes et se COLLENT les uns aux autres.

Les agents de l’aéroport ont fini par céder et ont commencé l’embarquement avec une foule compacte. Les gens se touchaient réellement, la moitié avec leurs masques sur le menton. Mes camarades et moi avons refusé de nous coller aux autres, du coup, on était littéralement les derniers à embarquer. On voyait que ceux qui connaissaient le personnel passaient en première classe et la plèbe (nous) en éco. Sauf que personne n’a respecté les numéros des tickets, certains ont même embarqués sans boarding pass. Du coup, on a été séparés et mélangés avec des inconnus.

L’avion était DEGUEULASSE et très vieux. Mon siège sentait… l’urine ! Beaucoup enlevaient leurs masques, mangeaient collectivement sandwichs et dattes et beaucoup toussaient. La personne derrière moi par exemple, a toussé continuellement pendant les 5 h de vol.

Le calvaire continue…

Une fois arrivée à Annaba, on nous tasse dans des bus où il y a zéro distanciation. On était accolés les uns aux autres. Et de là, en passant la douane jusqu’aux bagages, pareil : toujours agglutinés. Les gens respiraient dans nos nuques et s’offusquaient lorsqu’on leur demandait de porter leurs masques.

Passé les bagages, on refait la queue toujours collés et serrés et là, on nous confisque les passeports ! Il faut savoir que chaque étape on la découvrait sur place car personne ne nous informait sur la procédure, tout était opaque du début jusqu’à la fin.

Bref, après nous avoir confisqué les passeports, rebelotte on fait la queue pour monter dans les bus qui mènent à la quarantaine. Il y avait un cortège d’environ 12 bus avec la gendarmerie nationale et le BRI. Lorsqu’on monte dans ces bus, on apprend que notre confinement aura lieu à GUELMA et non à Annaba comme annoncé à la télé. On attend alors 1h30 dans le bus, sans clim, avec les gens qui mangent et discutent sans les masques, puis il démarre et on fait environ 4h30 de route pour arriver au-dit lieu de confinement.

Déjà, en arrivant au complexe « touristique », l’on se rend compte que les « hôtels de luxe » annoncés pour la quarantaine, ce n’était clairement pas pour tout le monde. Mais ça, on y reviendra.

L’organisation est anarchique. On nous fait descendre des bus puis, on nous demande d’y remonter plusieurs fois car, apparemment, il y a un problème de coordination. Ils ne savent pas gérer tout simplement. Et là, déjà on commence un peu à craquer et à nous sentir en danger car les gens se comportent comme s’ils venaient passer des vacances en famille.

Quand on rentre dans le complexe, ce sont encore des scènes de « collés-serrés » dans le hall. L’air devient irrespirable, un peu comme le tramway en heure de pointe sans la ventilation. Les gens se collent les uns aux autres, se poussent et se repoussent. Avec mes camarades, nous nous retrouvons au milieu de cette cohue. Là, ma copine fait une crise de panique.

La quarantaine, un nid à Covid

On attend comme ça pendant environ 40 minutes avant de passer, un par un, chez un préposé au guichet qui prend nos infos personnelles. Pour parler, il enlève son masque… Juste après, c’est le test de température et passage chez le « médecin », toujours « collés-serrés ».

On prend ma température plusieurs fois et l’appareil signale à chaque fois, 37,4°c. Passée chez le médecin, elle me dit que ce n’est rien. Elle ne m’interroge pas et remplit directement le formulaire Covid (je connais par cœur ce protocole car je l’ai subis plusieuts fois à KSA (Kingdom of Saudi Arabia).

Le médecin ne mentionne pas ma température sur la feuille, me met directement comme non suspecte, sans me poser les questions protocolaires sur les symptômes. Sur la chaise à côté, la crise de panique de ma copine augmente (cris, pleurs, palpitations)

Le médecin essaie de la calmer et remplit entre temps le même formulaire sans lui demander quoi que ce soit. On apprendra par la suite qu’ils ont fait ça avec tout le monde, car un gars qui leur disait présenter des symptômes du COVID avait aussi été mis non-suspect…

Et là, pour se faire attribuer une chambre on doit encore se COLLER aux gens et ma copine n’y arrive pas. En parallèle, on refuse d’attribuer une chambre à notre autre camarade car il est seul et qu’il n’y a que des chambres individuelles ou des bungalows pour 3. Ils lui demandent de trouver-un inconnu qui est seul aussi pour leur accorder une chambre. Le seul garçon qui était également seul a avoué à mon ami qu’il ressentait les symptômes du Covid et qu’il ne voulait pas le mettre en danger. Même en avouant cela à la réception, ils refusent.

On a dû faire appel à des «m3aref» pour qu’on daigne lui donner une chambre à lui tout seul pour sa quarantaine! Et ces dites « chambres » sont SALES. Elles n’ont clairement pas été désinfectées avant, y a des toiles d’araignée, la douche est dégueulasse, il n’y a pas de chasse d’eau et les draps sont poussiéreux…

Bref, je m’arrête là car sinon je n’en finirai jamais. Nous, nous sommes sûrs d’avoir été contaminés pour l’instant, la quarantaine n’est rien d’autre qu’un nid de covid, évitez-là au maximum si vous le pouvez.

J’ai oublié une précision : l’interdiction de quitter la chambre est fausse. Déjà c’est à nous d’aller chercher la nourriture et les gens se baladent dans le complexe comme ils l’entendent. La cafète est même ouverte. C’est dire le niveau de conscience et de précaution appliquée…