Sami Agli, président du Forum, à propos de l’économie algérienne : « Il y a le feu à la maison, il faut agir vite ! » - Radio M

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Sami Agli, président du Forum, à propos de l’économie algérienne : « Il y a le feu à la maison, il faut agir vite ! »

Ghada Hamrouche | 07/01/20 15:01

Sami Agli, président du Forum, à propos de l’économie algérienne : « Il y a le feu à la maison, il faut agir vite ! »

Sami Agli, président depuis juin 2019 du Forum, ex-FCE, Forum des chefs d’entreprise, a plaidé, lors d’une rencontre avec la presse, ce mardi 7 janvier 2019 au siège de l’organisation patronale à Alger, pour une réforme bancaire. « Nous devons aller vers une réforme bancaire profonde, sinon on ne pourra pas exécuter un plan d’action. Qu’on le veuille au non, la banque aujourd’hui, c’est la mère des réformes. C’est la première grosse réforme par laquelle, on doit commencer. Tout doit changer, la Banque d’Algérie, la règlementation des changes, la fluidité des mouvements de capitaux, etc », a-t-il soutenu. Il a qualifié d’encourageantes les annonces faites par le président Abdelmadjid Tebboune lors du Conseil des ministres du 5 janvier. « On a vu que pour la première fois, on parle de Start ups. Aujourd’hui, donner de l’intérêt aux Start ups, aux incubateurs, aux PME/PMI, c’est important. Le ministère de l’Industrie est devenu un super ministère. Le plan d’action (du gouvernement) doit être rapidement exécuté. Ma crainte aujourd’hui, c’est le temps. Quand est-ce tout cela sera structuré ? Quand est-ce que les décrets seront promulgués, les décisions prises, les organigrammes établis ? Nous avons des signaux positifs puisque le nouveau gouvernement parait être un exécutif d’action », a-t-il estimé.

« Il faut prendre des décisions courageuses »

L’économie algérienne, selon lui, dans le rouge. « Il y a le feu à la maison, il faut agir vite ! Le temps, c’est de l’argent. Il y a une crise de confiance. La confiance aujourd’hui est la base de tout. Il faut prendre des décisions courageuses et engager des réformes importantes », a-t-il alerté. D’après lui, des entreprises algériennes ne recrutent plus, certains libèrent leurs personnels, d’autres ferment. « Des secteurs entiers de l’économie sont sinistrés comme le BTPH. C’est transversal puisque le BTPH fait appel à des services. Des industries et des bureaux d’études se développent autour de ce secteur. Quand une entreprise de BTPH s’arrête, on n’achète moins de briques, de peinture, de matériaux de construction, d’études d’architecture, etc », a détaillé Sami Agli. C’est l’héritage, selon lui, de 2019, « une année blanche ». « 2019 a été une année compliquée pour les chefs d’entreprises. Nous vivons une nouvelle situation, différente de la précédente, marquée par une rupture totale de la gouvernance. Cela dit, le mouvement populaire de 2019 est un acquis (…) Il ne faut pas juger le gouvernement maintenant, il faut attendre, écouter les premières déclarations pour avoir une idée sur la vision », a-t-il expliqué. Il a rappelé que les bailleurs de fonds craignent les situations d’instabilité. « Le capital est lâche. Pas d’investissement lors qu’il y a perturbations(…) Il faudrait avoir les mécanismes pour bien capter les capitaux des investisseurs étrangers. Cela doit se faire d’une manière éthique pour qu’il ait la fluidité dans le transfert de leurs dividendes vers l’étranger », a-t-il noté

Quelle image pour le chef d’entreprise algérien ?

L’image des chefs d’entreprises, détenus ou jugés pour des affaires de corruption ou de détournement de fonds, n’est-elle pas écornée ? « Chacun est responsable dans son entreprise et de sa gestion. S’il verse dans la corruption ou qu’il ne respecte pas l’éthique, il doit payer, assumer ses actes. Le problème est que chez nous, une action individuelle est à chaque fois répercutée sur le collectif. On ne doit pas porter le chapeau à une organisation, à un ensemble d’entreprises, à une filière ou à une région. Il existe des entreprises qui sont bien gérées par des jeunes qui se battent chaque jour pour avancer, des industriels de père en fils en charge de belles entreprises. Ils sont sains, n’ont rien à se reprocher. Il faut mettre en avant ces gens-là aujourd’hui. On se reconstruit, se redynamise. Les membres du Forum sont sains », a répondu Sami Agli. Il a approuvé les conditions fixées par le nouveau chef de l’Etat pour soutenir les chefs d’entreprises (honnêteté, création de richesses et de postes d’emplois et payement des impôts). « Il faut toujours soutenir les créateurs de richesses et d’emplois, ceux qui sont propres et qui respectent la loi. Le président a mis le cadre et la vision, cela ne peut que nous enchanter en tant qu’organisation patronale. Au sein du Forum, nous avons fait notre hirak. Nous avons nettoyé le Forum. Nous avons de jeunes membres brillants et sains. Malgré la morosité de la situation, nos chefs d’entreprises continuent de travailler, de lancer des études. Le Forum est aujourd’hui composé de 95 % de PME. C’est également le cas de l’économie nationale. Il faudrait pousser pour que des champions émergent. Aucun pays ne peut se développer sans une économie forte », a-t-il analysé.

Le Forum ne fera plus de politique

Le Forum a, selon lui, retrouvé sa liberté de ton depuis juin 2019, après la mise à l’écart d’Ali Haddad, mis en prison pour des affaires de corruption. « Nous sommes partenaires des pouvoirs publics. Mais, nous pouvons dire Non quand il le faut. Nous sommes apolitiques sans être contre les politiques. Le Forum est resté neutre par rapport à la campagne électorale pour la présidentielle, n’a apporté son appui à aucun candidat. Notre nouveau ADN est de ne soutenir aucun parti, aucun homme politique et de ne faire plus de politique. Cela dit, nous n’allons pas empêcher nos membres d’en faire mais à titre personnel », a tranché Sami Agli. Il a reconnu que le soutien apporté aux mandats précédents d’Abdelaziz Bouteflika (surtout pour le troisième et le quatrième, en 2009 et en 2014) était une erreur. « Parce que dans les statuts, le Forum ne devait pas faire de politique », a-t-il relevé.  Il a salué la volonté du gouvernement Abdelaziz Djerad de privilégier la concertation. « Car, auparavant, nous découvrions l’existence des lois ou des décisions à l’annonce, dans les journaux. Il n’y avait aucune concertation. Le Forum fait des propositions, une commission est chargée de la recherche et du développement (R &D). On voyage, on entre dans les écosystèmes, on analyse. Nous avons préparé un document que nous allons envoyer au Premier ministre. Il comprend des mesures d’urgences à lancer pour sauvegarder les entreprises », a-t-il annoncé. Le Forum prépare également « un livre blanc » sur l’ensemble des secteurs de l’économie algérienne et sur la manière de les relancer en s’appuyant sur des modèles. « Des pays, qui ont misé sur le digital, sont passés, en une année, au statut de pays émergents. Si, en Algérie, nous mettons le digital comme secteur prioritaire, nous aurons moins de bureaucratie, de corruption et d’informel », a-t-il dit en saluant la création d’un ministère de l’économie du savoir (en charge de la PME aussi). A noter enfin que Sami Agli a annoncé que le Forum va déménager vers de nouveaux locaux fin mars 2020.