Dans une vidéo de 13 minutes diffusée sur les réseaux sociaux, l’influent imam malien Mahmoud Dicko est longuement revenu sur son récent voyage en Algérie, point de départ de vives tensions diplomatiques entre les deux pays. Accusé nommément par le gouvernement de transition malien de « trahison » et de collusion avec les rebelles, il oppose un vigoureux démenti.
« Ceux qui parlent en leur nom ont annoncé qu’un imam du pays est actuellement en Algérie, qu’il s’entretient avec les rebelles, qu’il leur distribue de l’argent », rapporte-t-il textuellement. Des allégations graves qu’il réfute catégoriquement, expliquant avoir répondu à l’invitation du président algérien Abdelmadjid Tebboune.
Selon Mahmoud Dicko, cette visite devait initialement réunir autour de la table les groupes armés signataires de l’accord de paix de 2015, les autorités maliennes de transition et la présidence algérienne. Objectif : discuter de la situation sécuritaire explosive dans le nord du Mali, où les attaques jihadistes se multiplient.
Mais elle a finalement tourné court, le Premier ministre par intérim malien, le colonel Abdoulaye Maïga, ayant annulé au dernier moment sa venue à Alger. « À mon arrivée, ils ont annoncé qu’un imam du pays était actuellement en Algérie et qu’il s’entretenait avec les rebelles et leur distribuait de l’argent », déplore Mahmoud Dicko.
De son côté, le président Tebboune aurait justifié cette invitation en soulignant qu’ « aucun événement touchant le Mali ne pouvait laisser l’Algérie indifférente ». Une position que Bamako a très mal prise, y voyant une « ingérence inacceptable ».
Cet épisode illustre les tensions toujours plus vives entre Alger et son turbulent voisin, qui ont conduit ces derniers jours au rappel des ambassadeurs des deux pays. Au-delà, il pose aussi la question de l’avenir de la transition politique au Mali, de plus en plus incertaine.
Bamako joue la carte marocaine face à Alger
Curieuse coïncidence, alors que la crise s’intensifie avec Alger, le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop participe actuellement à une réunion ministérielle au Maroc. Une rencontre prévue de longue date qui porte sur la question de l’accès des pays sahéliens à l’océan Atlantique.
Or le Maroc et l’Algérie entretiennent, on le sait, des relations exécrables. Les deux pays maghrébins sont en conflit larvé depuis des décennies au sujet du statut du Sahara Occidental. Et ils ont rompu tout lien diplomatique depuis l’été 2021.
Ce déplacement d’Abdoulaye Diop au Maroc n’est donc pas anodin dans le contexte de tensions exacerbées avec Alger. Il traduit une volonté du Mali de diversifier ses soutiens dans la région et de ne plus compter seulement sur son voisin algérien, avec qui le torchon brûle.
D’ailleurs, le communiqué officiel malien précise bien qu’en marge de cette réunion technique sur l’accès à l’Atlantique, le ministre « mènera des consultations politiques de haut niveau avec les autorités du Maroc ». Autrement dit, le rapprochement avec Rabat se fera aussi sur le plan diplomatique.
Ce subtil jeu d’équilibre régional de la part des autorités maliennes de transition ajoute encore à la complexité d’une situation déjà explosive dans cette partie du Sahel. Reste à savoir quelles en seront les implications concrètes sur le court et le moyen terme.