La nuit d’avant le vote, jour de commémoration des manifestations du 11 décembre 1960, a été marquée par de multiples manifestations de rejet de la tenue de l’élection présidentielle. Face à des forces de l’ordre dont la nervosité a tourné à la brutalité qui n’a pas épargné les journalistes, les manifestations, entamées dans la journée, se sont poursuivies dans la nuit.
A Alger, c’est un jeu de chat et de la souris qui s’est déroulé entre les manifestants et les forces de l’ordre déployés en force au niveau de l’axe Audin-Grande poste. La police a chargé à plusieurs reprises les manifestants qui quittaient l’axe de la grande artère pour les ruelles du coté de la rue Khelifa Boukhalfa avant de revenir rue Didouche.
Ces scènes de reflux et de retour vers l’artère centrale se sont multipliés au cours de la nuit. Avec des manifestants qui insistaient, plus que jamais, sur la “Silmiya” – le pacifisme – pour éviter des dérapages. Dans plusieurs quartiers de la capitale, des jeunes ont marché en scandant le fameux “noudhou ya el-3assima, nouddhou” (réveillez-vous, gens de la capitale).
Les manifestations ont commencé dans la journée à partir du quartier Belouizdad, au niveau de la place du 11 décembre, pour marquer symboliquement la continuité entre le combat des aînés, hier, pour l’indépendance, et celui d’aujourd’hui pour la souveraineté populaire.
Les manifestations se sont poursuivies durant toutes la journée en dépit d’intervention particulièrement musclées des forces de l’ordre qui n’ont épargnés ni les femmes, ni les journalistes. Sans pour autant dissuader les manifestants qui scandaient leur refus du vote prévue ce jeudi 12 décembre.
Des manifestations qui se sont poursuivies dans la nuit ont été organisées dans de nombreuses autres villes du pays: Sétif, Constantine, Bejaia, Bouira, Tlemcen, Tizi Ouzou, Boumerdès, Bordj Bou Arreridj, Mostaganem, Sétif, Biskra, Batna… L’amplitude des manifestations à la veille du scrutin confirme que l’abstention sera forte en dépit des “certitudes” affichées par les représentants du pouvoir. La vraie hantise des militants et des manifestations est celle d’un dérapage vers la violence. Le mot “silmiya, silmiya” est répété avec beaucoup de force dans toutes les villes du pays.
A Bejaïa, à l’issue d’une grande manifestation, les citoyens ont décidé de rester dehors dans la nuit pour clamer leur refus d’un rendez que “le pouvoir organise pour lui-même”. Les images de ce rassemblement nocturne, festif mais déterminé, sont impressionnantes.
Des affrontements entre les forces de la gendarmerie et les manifestants ont été enregistrés à Bouira, plus précisément dans la commune de M’chedallah. Les gendarmes ont utilisé les gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Même état de défiance à l’égard des élections constaté à Boumerdes qui a connu une soirée très actives avec des rassemblement organisés au niveau de plusieurs communes dont t Bordj Menaiel, Naceria et Baghlia.
A Tizi-Ouzou, des centaines de manifestants se sont installés au cours de la soirée dans le centre-ville pour marquer, une fois de plus, le rejet général des élections. Des manifestations ont été organisées également dans plusieurs communes.
La « capitale » des hauts Plateaux, Sétif, n’est pas en reste. d. Des activistes ont organisé une marche dans les rues de la ville pour protester contre la tenue des élections et pour dénoncer également les arrestations d’activistes dans la commune Drâa Kebila. La marche a mobilisé des centaines de personnes. D’autres marches sont organisées dans les communes de la wilaya. A titre d’exemple, on citera Draâ Kebila, Beni Ouarthilane et autres.
A Biskra, plusieurs centaines de personnes dans les rues de la ville pour scander des slogans hostiles aux élections. Au Sud, des sources locales, nous signalent des marches nocturnes à El Oued et Ghardaïa. Des manifestations ont été organisées également à Jijel, Constantine, Annaba, Guelma, Skikda, Ain Beida, Laghouat et Bordj Bou Arreridj.
La journée et la soirée du 11 décembre ont été, un peu partout, l’occasion pour de nombreux Algériens d’exprimer une défiance généralisée à l’égard du vote imposé par le pouvoir et rejeté par le hirak.