Un an après l’appel des sommités mondiales : Tebboune restera-t-il sourd au sort d’Ihsane El Kadi - Radio M

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Un an après l’appel des sommités mondiales : Tebboune restera-t-il sourd au sort d’Ihsane El Kadi

Radio M | 05/06/24 19:06

Un an après l’appel des sommités mondiales :  Tebboune restera-t-il sourd au sort d’Ihsane El Kadi

Il y a un an, une tribune dans “Le Monde” faisait trembler l’encre des plumes les plus prestigieuses. Noam Chomsky, figure tutélaire de la linguistique, Annie Ernaux, auréolée de son Nobel de littérature, Arundhati Roy, voix indomptable de l’Inde, et Ken Loach, maître du réalisme social britannique, s’unissaient pour une cause : la libération d’Ihsane El Kadi.

Ce 30 mai 2023, ces intellectuels, dont le rayonnement dépasse largement leurs domaines respectifs, interpellaient directement le président algérien, Abdelmadjid Tebboune. Leur message, empreint de gravité et d’espoir, résonne encore : “Il est en votre pouvoir de libérer Ihsane El Kadi ainsi que tous les journalistes emprisonnés et tous les détenus d’opinion. Usez de ce pouvoir, par fidélité au combat des Algériens pour la justice et la liberté.”

Aujourd’hui, alors que Tebboune envisage un second mandat, cette supplique semble n’avoir été qu’un cri dans le désert. El Kadi, loin d’être libéré, a vu sa peine alourdie. De cinq ans, dont trois fermes, elle est passée à sept ans, dont deux avec sursis. Une escalade judiciaire qui fait de lui, tristement, le journaliste le plus durement condamné depuis l’arrivée de Tebboune au pouvoir.

L’accusation ? Avoir reçu des fonds “susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État” et destinés “à des fins de propagande politique”. Des chefs d’inculpation qui, pour beaucoup, ne sont qu’un habillage légal pour sanctionner une voix critique. Comme l’écrivaient les signataires : “Ihsane El Kadi est accusé d’avoir trahi son pays, mais […] il nous semble qu’il a, au contraire, chevillé l’amour de cette terre à son travail de journaliste indépendant.”

À l’approche du scrutin, Tebboune se trouve à la croisée des chemins. La libération d’El Kadi et de ses confrères pourrait signaler une ouverture, un désir de renouer avec une presse plurielle. Ce geste apaiserait peut-être les critiques sur son mandat, décrit comme le plus falot depuis l’indépendance. 

Il y a un an, l’appel de Chomsky et de ses pairs, connus également pour leur soutien à la cause Palestinienne, résonnait comme un avertissement prophétique : “L’Algérie est un idéal plus vaste que le cachot qu’elle est en train de devenir pour les journalistes critiques et les voix discordantes.” Aujourd’hui, avec le rejet du pourvoi en cassation d’El Kadi par la Cour suprême, ces mots semblent se matérialiser sous nos yeux.

Le choix de Tebboune concernant El Kadi ne sera pas qu’un calcul électoral. Il révélera sa vision de l’Algérie à l’aube de son potentiel second mandat. Sera-t-elle ce “cachot” redouté par les intellectuels, où le silence est la norme ? Ou osera-t-elle renouer avec son héritage de “terre des damnés”, un pays où le débat, aussi discordant soit-il, nourrit la démocratie ?